A l’audience sur l’héritage de Johnny Hallyday, au tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), le 30 mars. / MICHEL EULER / AP

Le fond, on le connaît, personne n’a pu y échapper. David Hallyday et Laura Smet, les deux premiers enfants de Johnny Hallyday, contestent les dispositions testamentaires prises par leur père qui les excluent de sa succession et désignent comme seule bénéficiaire son épouse Laëtitia. Le tout en vertu du droit californien qui permet de disposer librement de ses biens et de les donner à qui bon lui semble, contrairement à notre code civil si attaché à la défense de la famille et à la transmission du patrimoine.

La bataille, engagée à la fois sur le front médiatique et juridique, a connu, vendredi 30 mars, son deuxième round devant le tribunal de grande instance de Nanterre, après un faux départ le 15 mars. Il n’est pour l’heure question que d’une procédure en urgence – le référé – destinée à convaincre le tribunal de prendre des mesures conservatoires afin de retarder d’une part la sortie de l’album posthume de Johnny Hallyday sur lequel ses deux aînés revendiquent un droit de regard et de geler, d’autre part, toute opération concernant ses biens immobiliers situés sur le territoire national, une résidence à Marnes-la-Coquette et l’autre à Saint-Barthélemy.

« Douleur intense » d’une fille et d’un fils

La première scène fut cocasse. A Nanterre, une fois franchi le mur de caméras, de micros et d’objectifs qui les attendaient, les avocats des deux parties ont dû en affronter un second, composé des robes noires d’avocats, de greffiers et de magistrats, résolus à profiter de l’aubaine de cette audience pour donner écho à leur mouvement de protestation contre le projet de loi de programmation de la justice. « Justice morte », « euthanasiée », « paupérisée », ont scandé les manifestants avant de s’effacer courtoisement devant l’autre enjeu national du jour, cette audience consacrée à l’héritage de Johnny Hallyday, pour laquelle une bonne vingtaine de policiers et d’agents de sécurité avaient été mobilisés.

En défense des deux exhérédés, Mes Carine Piccio, Pierre-Jean Douvier, Hervé Temime, Emmanuel Ravanas et Pierre-Olivier Sur ont dressé un portrait cruel de Laëticia Hallyday, désignée au choix comme « Madame Boudou » ou « la cinquième épouse ».

A la femme d’affaires avisée et « manipulatrice » qui, après « six testaments successifs, trois contrats de mariage et deux changements de régimes matrimoniaux » est devenue l’unique bénéficiaire du trust mis en place pour gérer le patrimoine du chanteur, à la toute puissante veuve qui s’est adjoint les services de Mimi Marchand, papesse des journaux people pour défendre son image, ils ont opposé « la douleur intense » d’une fille et d’un fils tenus à l’écart des ultimes moments de vie de leur père et contraints de réclamer en justice le droit d’entendre ses derniers enregistrements.

« Johnny est un destin français »

Au fil de plaidoiries s’adressant autant aux juges qu’à l’opinion publique, les déboires familiaux et patrimoniaux de Laura Smet et de David Hallyday se sont mués en combat patriotique. « Où Johnny malade, a-t-il décidé de se faire soigner ? En France ou aux Etats-Unis ? Où Johnny vend-il ses disques ? En France ou aux Etats-Unis ? Johnny est une part de la France, Johnny est un destin français », s’est enflammé Me Ravanas. « Tout a été fait pour que la France n’ait plus accès à quoi que ce soit alors que le patrimoine de Johnny est français », a renchéri Me Douvier, convoquant devant les juges 67 millions de déshérités.

« Je vais ramener un peu de calme et de sérénité, expliquer non pas un fantasme mais une réalité », a répliqué l’avocat de Laëtitia Hallyday, Me Ardavan Amir-Aslani.

« On nous reproche plusieurs testaments et alors ? Tous vont dans le même sens : désigner sa femme, Laëtitia, qui a passé vingt-trois ans à ses côtés. L’artiste n’avait rien quand il l’a rencontrée. Ce qu’il a acquis, il l’a acquis avec elle. Et il a choisi de soumettre son destin à la loi du pays qu’il habitait depuis dix ans, où ses deux enfants mineures sont scolarisées, où il payait ses impôts et où il enregistrait ses albums. L’Amérique était le choix de vie de l’artiste, a-t-il assuré. Il n’est revenu en France que pour honorer sa tournée des Vieilles canailles. Ce n’est pas parce qu’il est mort en France qu’il est résident français. »

Sous les mots policés de l’avocat, la France de Johnny ressemblait d’un coup à une vieille épouse abandonnée. Délibéré le 13 avril.