« Itinéraire d’un enfant placé », de Ketty Rios Palma, documentaire. / ARTE.TV

LES CHOIX DE LA MATINALE

Une plongée dans un Yémen en plein chaos, l’itinéraire déchirant d’un enfant arraché à sa famille d’accueil et le défi improbable d’un journaliste qui veut faire son pan-bagnat de A à Z. Voici notre sélection hebdomadaire de replays.

Le Yémen entre chaos et silence

Yemen, Chaos in silence
Durée : 01:33

Très peu de journalistes ­connaissent aussi bien le Yémen que François-Xavier Trégan. Il y a vécu et travaillé, notamment pour Le Monde. On imagine combien il a été bouleversé de retrouver le pays tant aimé qu’il a quitté pour la dernière fois, fin 2014-début 2015, au tout début de la guerre qui le déchire actuellement. Un conflit qui, faute de témoins extérieurs et d’intérêt international, « se réduit à un huis clos misérable ».

Afin de pouvoir traverser le Yémen, ce qui est aujourd’hui impossible pour un journaliste étranger, François-Xavier Trégan et son équipe se sont mis dans les pas du président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Peter Maurer, pour un périple de six jours au pas de charge, mais éclairant, qui nous conduit d’Aden à Sanaa, en passant par Taëz qui marque la ligne de front et la frontière symbolique entre le Sud et le Nord, essentielle à la compréhension de la situation dans le pays.

La guerre, elle, est aussi omniprésente qu’invisible. On saisit des bribes de réel au vol : comment le pays houthiste est mieux tenu, d’une main de fer, que le Sud gouvernemental ; combien la psychose des bombardements aériens, qui tuent pour moitié des civils, est forte. Elle a pris un tour confessionnel, inédit dans ce pays musulman, entre chiites (auxquels sont assimilés les houthistes, d’obédience zaïdite, une branche du chiisme) et sunnites.

D’autres conflits pointent déjà. Depuis le passage de Peter Maurer, à l’été 2017, celui entre les sécessionnistes sudistes et le gouvernement a éclaté au grand jour. C’est aussi le cas à Sanaa, où l’alliance entre les rebelles houthistes et l’ancien président Ali Abdallah Saleh s’est achevée par l’assassinat de ce dernier. A Taëz, la présence de djihadistes d’Al-Qaida et de l’organisation Etat islamique (EI) aux côtés des soldats gouvernementaux et des milices tribales unies contre les houthistes ne présage rien de bon. Christophe Ayad

« Yémen, le chaos et le silence », de François-Xavier Trégan (France, 2018, 52 min). Sur Arte + 7.

Benjamin Carle croque le fait-maison

CANAL+ 'SANDWICH' [Teaser 4K]
Durée : 01:18

Benjamin Carle aime s’immerger, expérimenter, se lancer des défis au long cours. Conscient de ne pas savoir faire grand-chose concrètement de ses dix doigts, le journaliste a décidé de se fabriquer un sandwich de A à Z, sans passer par la « supérette du coin ».

Histoire de pimenter l’affaire, notre « jusqu’au-boutiste » a jeté son dévolu sur le pan-bagnat, dont la recette comporte une quinzaine d’ingrédients. Et presque autant de métiers et de savoir-faire à découvrir et à mettre en pratique.

Entre ses rencontres et apprentissages, Benjamin Carle est allé interroger sociologue, anthropologue et philosophe, sur ce que recouvre le phénomène de mode « do it yourself » et, ce qui pousse certains à se reconvertir dans un métier manuel, voire, comme les survivalistes, à vivre en autarcie. En cause : la société de consommation et l’organisation complexe du travail, qui donne le sentiment de n’être qu’« un maillon dans un grand tout », et une forme de dématérialisation qui nourrissent le sentiment de dépossession et de frustration. Une sensation que laisse ce film néanmoins savoureux. Christine Rousseau

« Sandwich », de Benjamin Carle, Neels Castillon et Félix Seger (France, 2018, 90 min). Sur Canal+ à la demande.

Itinéraire d’un enfant déplacé

Placé bébé en famille d’accueil, Yanie, 14 ans, s’apprête à vivre le déchirement de la séparation. Myriam (65 ans) et Jacques (70 ans), qui l’ont élevé, vont prendre leur retraite et à passer la main à un autre couple. Ce départ vers l’inconnu, est vécu par Yanie comme « un choc. Pire même, écrit-il dans son journal, c’est comme mourir pour la première fois, mais pas en vrai. » Reste que, au milieu des bouleversements, l’adolescent veut croire au rapprochement avec sa mère, qu’il revoit deux week-ends par mois, depuis sa sortie de prison. Une mère qui aimerait, elle aussi, tenir un rôle, à la faveur de ces changements.

Entouré, ballotté, sans toujours parvenir à placer des mots sur ses peurs, ses doutes, ses douleurs, sa difficulté à savoir où est sa place, ainsi apparaît cet enfant que Ketty Rios Palma a suivi lors de ce moment charnière entre enfance et adolescence.

Construit en trois actes, ce film poignant dessine avec une infinie délicatesse, l’itinéraire d’un gamin qui cherche sa définition. Et qui finira, par lancer, comme une victoire, dans son journal : « Je suis le gamin de personne. Un gamin ­orphelin mais un gamin, fils de ­soi-même et fier de l’être. » Ch. R.

« Itinéraire d’un enfant placé », de Ketty Rios Palma (France, 2017, 55 min). Sur Arte + 7