Des soldats israéliens déployés à la frontière entre la bande de Gaza et Israël, le 1er avril. / AMIR COHEN / REUTERS

Après la mort, vendredi 30 mars, de seize Palestiniens, tués par l’armée israélienne lors d’une manifestation dans la bande de Gaza, Israël continuait dimanche de rejeter les appels internationaux à une enquête indépendante.

Le ministre de la défense israélien, Avigdor Lieberman, a qualifié d’« hypocrites » les appels à ouvrir une enquête. « Il n’y aura pas de commission d’enquête », a-t-il déclaré à la radio publique israélienne :

« Il n’y aura rien de tel ici, nous ne coopérerons avec aucune commission d’enquête. »

Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a également rejeté toutes les critiques et a exprimé samedi dans un communiqué son soutien à l’armée : « Bravo à nos soldats. » Dimanche, il a aussi dénoncé les « leçons de morale » du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui avait accusé la veille Israël d’avoir commis une « attaque inhumaine ».

« L’armée la plus éthique du monde n’a pas de leçons de morale à recevoir de la part de celui qui bombarde des civils sans discernement depuis des années.»

« Hé, Nétanyahou ! Tu es un occupant ! Et c’est en tant qu’occupant que tu es sur ces terres. En même temps, tu es un terroriste », lui a rétorqué dans la foulée M. Erdogan, lors d’un discours télévisé devant ses partisans à Adana (sud de la Turquie). « Ce que tu fais aux Palestiniens opprimés sera inscrit dans l’histoire et nous ne l’oublierons jamais », a-t-il poursuivi, ajoutant que « le peuple israélien est mal à l’aise avec ce que tu fais ».

Usage de balles réelles contre les manifestants

L’usage de balles réelles par l’armée israélienne est au cœur des interrogations de la communauté internationale et des organisations de défense des droits humains. Vendredi a été la journée la plus meurtrière dans la bande de Gaza depuis la guerre de 2014 : seize Palestiniens ont été tués et plus de 1 400 blessés, dont 758 par des tirs à balles réelles, selon le ministère de la santé dans l’enclave.

L’armée israélienne a ouvert le feu sur des manifestants qui s’étaient approchés à quelques centaines de mètres de la clôture ultrasécurisée. Les Palestiniens assurent que les manifestants ne représentaient aucun danger immédiat. Israël a répondu avoir tiré contre ceux qui jetaient des pierres et des cocktails Molotov sur les soldats, ou tentaient d’endommager la clôture et de s’infiltrer en Israël.

Des snipers israéliens se positionnent à la frontière entre la bande de Gaza et Israël, le 31 mars. / ILIA YEFIMOVICH / DPA

Des dizaines de milliers de personnes avaient afflué vers la barrière séparant Israël de la bande de Gaza, au premier jour de « la marche du retour ». Cette protestation, censée durer six semaines, vise à réclamer « le droit au retour » des Palestiniens qui, par centaines de milliers, furent chassés de leurs terres ou durent fuir lors de la guerre ayant suivi la création de l’Etat d’Israël, en 1948.

Le secrétaire général de l’Organisation des Nation unies (ONU), Antonio Guterres, et la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, ont réclamé une « enquête indépendante » sur l’usage par Israël de balles réelles, une demande rejetée par l’Etat hébreu.

Les Etats-Unis ont en revanche bloqué samedi soir un projet de déclaration du Conseil de sécurité appelant « toutes les parties à la retenue et à prévenir toute escalade supplémentaire » et demandant une enquête sur les affrontements.

Des organisations de défense des droits humains se sont pour leur part interrogées sur la réaction disproportionnée des forces de sécurité israéliennes.

« Quand certains manifestants palestiniens jettent des pierres et d’autres objets vers la barrière, il est difficile de croire qu’il s’agit d’une menace imminente pour la vie de soldats bien équipés, protégés par des tireurs d’élite, des chars d’assaut et des drones », écrit Amnesty international dans un communiqué.

Samedi, des dizaines de milliers de Gazaouis ont pris part aux funérailles des manifestants tués la veille.

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