Arthur, 24 ans, étudiant en licence 3 d’histoire à Bordeaux. / La ZEP

Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Arthur, 24 ans, étudiant en licence 3 d’histoire, à Bordeaux.

« En seconde, après avoir enchaîné trois lycées en moins de six mois, je suis devenu “indésirable” pour le système scolaire, pour moi-même et pour mes parents. Ils ont tout essayé pour me sortir de cette galère : internat loin de chez moi, lycée du matin (privé) et, dernier espoir, la formation en alternance. Finalement, je me suis inscrit dans une formation de technicien d’usinage sur deux ans, dans un lycée pro de Marmande.

La première année, mon employeur était le père de mon ancienne petite amie. Autant dire qu’on savait tous les deux que je brassais du vent… La deuxième année, je suis entré dans une grosse entreprise d’usinage aéronautique. Pointer, usiner, pointer, manger, pointer, usiner, pointer, rentrer. Au bout de trois mois, mon tuteur et moi avons compris que je n’étais pas fait pour ce métier.

J’ai donc dû arrêter la formation en plein milieu d’année… faute d’entreprise. Nouveau départ à zéro. J’avais 19 ans, le niveau brevet des collèges, je circulais à pied et j’avais honte.

Je voyais mes amis aller en cours le matin, revenir le soir, rencontrer des gens, avoir une vie sociale pendant que moi je flânais sur mon canapé toute la journée. L’été suivant, pour des raisons extrascolaires difficiles, je suis parti vivre en Auvergne, à Aurillac, chez mes grands-parents. Mon objectif : donner un nouvel élan à ma vie.

Je voulais être fier de ce que je faisais, être inséré dans cette société. Je voulais moi aussi connaître la vie étudiante et tout ce que ça implique. Etre et faire comme tout le monde.

Je me suis inscrit en diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU) en formation à distance avec l’université de Bordeaux-III. Il fallait justifier de deux ans d’activité dans la vie active et avoir 20 ans au moment de passer l’examen de fin d’année. J’avais quatre matières à passer et autant de bouquins : français, anglais, histoire et géographie, qui me permettraient ensuite d’entrer à l’université, sans avoir eu le bac.

J’ai travaillé toute une année et emmagasiné une méthodologie jusque-là inconnue. C’était beaucoup d’efforts pour réussir à entrer à nouveau dans cette spirale, pour ne pas décrocher. J’ai été reçu avec 13,125 de moyenne ! 14 en français, 14 en géographie, 16 en histoire, 8,5 en anglais.

Ensuite, il a fallu que je trouve une orientation par moi-même. C’est pendant l’hiver 2014 que j’ai su que je voulais faire du reportage et devenir journaliste, en suivant tous les jours la crise ukrainienne. J’ai décidé de m’inscrire en histoire et histoire de l’art à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès (Le Mirail). Je voulais acquérir une culture générale et historique qui pourrait faire office de tremplin et me permettre d’entrer dans une école de journalisme à bac + 3. Une fois à l’université, je voulais aller le plus loin possible.

Je suis actuellement à Bordeaux pour terminer ma licence d’histoire après une quatrième année à la faculté. J’ai doublé ma deuxième année de licence, pourtant pas la plus difficile.

Pendant ces quatre années, j’ai réalisé le gros travail que je devais effectuer pour rattraper mon retard de méthode et d’apprentissage. Les dissertations, les commentaires de textes, les exposés, les diaporamas, le travail régulier… autant de choses qui m’étaient inconnues. Je sortais d’un apprentissage dans une classe de quatre élèves avec des professeurs sans cesse à mes côtés, et j’atterrissais dans des amphithéâtres bondés de cinq cents personnes, livré à moi-même. Je débarquais de nulle part, je ne disposais d’aucun traitement de faveur et me voilà à travailler des heures durant sur l’histoire de la bande dessinée, la laïcité, la représentation du corps au Moyen Age…

Parfois, les gens me demandent comment il est possible d’être en troisième année de licence sans avoir fait de lycée général, sans avoir acquis certaines bases. Il faut seulement avoir de la motivation, de la rigueur et un peu de courage… Travailler pour soi et non plus pour les autres et reprendre confiance en soi : aujourd’hui, je suis fier de ce que j’ai fait, de dire ce que je fais et du chemin parcouru. »

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La Zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans

La Zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Via des ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.

Tous leurs récits sont à retrouver sur la-zep.fr, et, pour la plupart, ci-dessous :

« Le Monde » aide les jeunes à s’orienter vers les études supérieures

En cette période de confirmation des vœux d’orientation sur la nouvelle plate-forme d’admission post-bac, Parcoursup, Le Monde Campus propose reportages, décryptages, tchats, à retrouver dans ses sous-rubriques Parcoursup APB et Etudes supérieures.

Retrouvez également des vidéos, témoignages et enquêtes réalisés dans le cadre de nos conférences « O21/S’orienter au 21e siècle », qui se sont tenues entre novembre 2017 et mars à Nancy, Lille, Nantes, Bordeaux et Paris, dans notre rubrique O21.