Antonio Pintus (au centre), Cristiano Ronaldo (à droite), Zinédine Zidane (à gauche). Et un bonnet. / BEHROUZ MEHRI / AFP

Des crânes chauves du Real Madrid, il est le moins célèbre, celui qui n’a pas marqué deux buts en finale de la Coupe du monde 1998 ni envoyé Marco Materrazzi au sol huit ans plus tard. Mais Antonio Pintus a toute sa place dans les succès du Real de Zinédine Zidane, qui poursuit sa marche vers une troisième Ligue des champions d’affilée en défiant, mardi 3 avril, la Juventus Turin en quart de finale aller.

Comme l’entraîneur français, Pintus revient dans la ville qui l’a consacré comme l’un des grands de sa profession, celle de préparateur physique d’une équipe de football. De 1996 à 1998, Antonio Pintus a fait suer Zinédine Zidane (pas réputé pour sa capacité à répéter les efforts lorsqu’il évoluait à Bordeaux), sang et eau sous le maillot bianconero. Zidane s’installait au sommet du football européen. Pintus était chez lui – c’est à Settimo Torrinese, banlieue nord de Turin bordée par le Pô, qu’il a commencé à courir, puis à comprendre comment faire courir les autres, plus vite et plus longtemps.

Le CV du Turinois – mais supporteur des Sardes de Cagliari – raconte que l’on peut s’attacher à celui qui vous fait souffrir : après 1998, il a suivi ses anciens joueurs devenus techniciens, et la Juve de Marcello Lippi en a produit plusieurs. Gianluca Vialli, à Chelsea ; Didier Deschamps, à Monaco, la Juve et Marseille ; Zidane, enfin. Installé au Real en janvier 2016, « Zizou » a réclamé une chose à son président, Florentino Perez, l’été suivant : plus qu’un joueur, un nouveau préparateur physique. Son critère de recrutement évitait les longs entretiens d’embauche : il fallait que ce soit Antonio Pintus.

« Le sergent de fer »

Le Real avait alors, à la hussarde, contacté ce petit Italien au crâne lisse qui venait de prendre en charge Lyon, retrouvant à l’occasion la ville de ses études. L’Olympique lyonnais s’était insurgé mais Pintus avait quitté Jean-Michel Aulas en moins d’un mois avec cet argument : le Real lui offrait un CDI, tandis qu’il n’était lié que par un contrat de trois ans avec l’OL.

Pintus, 55 ans, conserve les méthodes expérimentées dans ses jeunes années à la Juve, où il fit ses débuts, en 1991. Le « Sergent de fer », comme il est surnommé, goûte peu la « périodisation tactique » vantée par Pep Guardiola et José Mourinho, lesquels refusent selon ce dogme tout entraînement sans ballon. « C’est la technique qui fait la différence dans le football, mais à niveau technique égal, c’est le champion qui court le plus vite qui sera le meilleur footballeur », estime Pintus, arrivé au football après un court passage dans le judo et surtout dans l’athlétisme.

A la Juve, il avait sous ses ordres des joueurs qui couraient, et pour cause : les perquisitions de la justice italienne à la Juventus avaient révélé un stock de médicaments digne « d’un petit hôpital » et les carnets de suivi des joueurs révélaient des évolutions d’hématocrite stupéfiantes, synonymes de dopage sanguin selon les experts.

Pintus était à l’époque l’assistant de Giampiero Ventrone, dont le passage à l’AC Ajaccio, en 2013, fut bref et marqué par un afflux de pilules. Rien ne suggère, toutefois, qu’il était impliqué d’une manière ou d’une autre dans les pratiques du médecin-chef Riccardo Agricola.

« A la foix exigeant et en empathie »

Avec Didier Deschamps, époque AS Monaco. / VANINA LUCCHESI / AFP

Salué pour sa capacité à s’adapter aux groupes dont il dispose, Pintus est partisan de la « course continue » pour construire une base aérobique. A commencer par lui, qui ne se rend à l’entraînement qu’en footing. A Marseille, il courait ainsi plus d’un semi-marathon par jour. « Peut-être que les joueurs me prennent pour un fou mais j’aime ça, disait-il alors à 20 Minutes. C’est un petit message que je leur fais passer. J’ai 48 ans et je m’engage physiquement à fond dans ce que je fais. C’est bien qu’eux le fassent aussi. »

Pour lui, une saison réussie repose sur deux moments-clés : un travail physique intense l’été et une mini-préparation à la trêve hivernale, pour tenir jusqu’en mai.

C’est à ces deux moments de souffrance que les succès printaniers du Real, ces deux dernières saisons, sont attribués, ainsi qu’au turnover imposé par Zidane. Le diagnostic a été posé par les joueurs eux-mêmes. Les piliers du vestiaire madrilène, Cristiano Ronaldo en tête, constatent leur supériorité physique vis-à-vis de leurs adversaires, concrétisée par un important ratio de buts marqués dans les dix dernières minutes de jeu.

S’il traîne une réputation de Père fouettard, l’Italien est pourtant décrit comme un bourreau apprécié de ses victimes. « C’est le seul préparateur physique avec lequel faire du physique m’éclatait, expliquait l’ancien de Chelsea Franck Lebœuf sur RMC. C’est ce côté psychologique qu’il a. Tu vas te battre pour lui. (…) Tu as envie de te défoncer pour le mec. Il est totalement investi dans ce qu’il fait. »

Fernando Morientes, en août 2017, faisait son dithyrambe dans les colonnes d’El Mundo :

« Je ne me suis jamais senti aussi fort que la saison que j’ai passée avec lui à Monaco. Il était à la fois exigeant et en empathie avec le joueur, il tenait ses promesses. On voit les résultats. Il sait communiquer. Il est une partie importante du succès de cet effectif inoubliable. »

La lune de miel entre l’Espagne et Fernando Pintus a connu de premiers soubresauts depuis le début de saison, au gré des défaites à répétition du Real Madrid, surtout survenues en deuxième période. Mais il est peu probable que Zidane se défausse un jour, comme les entraîneurs le font parfois, sur son préparateur physique. Le couple semble lié par autre chose qu’un maillot commun. C’est aussi le cas chez son adversaire du soir, où le duo Massimiliano Allegri (entraîneur) - Simone Folleti (préparateur physique), associé à la Juventus, travaille depuis 2004.