Dans ses vœux aux journalistes le 3 janvier, au cours desquels avait été annoncée une loi contre les « fake news », Emmanuel Macron avait évoqué une initiative de Reporters sans frontières (RSF) sur une « forme de certification des organes de presse respectant la déontologie du métier ». Régulation de la part des autorités, d’un côté, autorégulation venant d’une association engagée dans le combat pour la liberté de la presse, de l’autre : à l’époque, l’organisation avait été prise au dépourvu par cette mention présidentielle, car la démarche, initiée à Bruxelles en septembre 2017 par la réunion d’une trentaine de médias européens, était encore en cours, non officielle.

Trois mois plus tard, mardi 3 avril, la « Journalism Trust Initiative » (JTI) – l’initiative pour la confiance dans le journalisme – est portée sur les fonts baptismaux par RSF, avec ses partenaires : l’agence France-Presse (AFP), l’Union européenne de radio-télévision (UER) et le Global Editors Network (GEN), une association regroupant des rédacteurs en chef de médias du monde entier.

« Renverser la logique »

Ce projet part d’un constat : « dans le nouveau système de l’espace public, les informations fausses circulent plus vite que les vraies », s’inquiète Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.

« Dans le nouveau système de l’espace public, les informations fausses circulent plus vite que les vraies », constate Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.

D’où l’idée, pour distinguer le travail journalistique et renforcer les « tiers de confiance », de « renverser la logique en donnant un avantage réel à tous ceux qui produisent des informations fiables, quel que soit leur statut », poursuit M. Deloire. Et plutôt que de se voir imposer des lois, pourquoi ne pas imaginer un dispositif avec des normes permettant de décerner un label à des médias de qualité, en s’appuyant sur des données telles que la transparence, l’indépendance éditoriale ou la déontologie ? Vaste travail qui promet des débats passionnés et houleux.

Certifier le processus journalistique

Dans un premier temps, RSF lance, à partir de mardi, un processus ouvert à tous ceux qui sont concernés dans le secteur sous l’égide du Comité européen de normalisation (CEN) : médias, associations et syndicats professionnels, instances d’autorégulation, plates-formes numériques, annonceurs et représentants des intérêts des consommateurs. Il ne s’agira pas, souligne RSF, de certifier la production mais le processus journalistique.

Les premiers travaux devraient commencer vers la mi-mai et durer de 12 à 18 mois, pour élaborer les indicateurs sous l’égide de l’organisme français de normalisation, l’AFNOR, et de son équivalent allemand, le DIN. Le groupe de travail du CEN sera présidé par Claudio Cappon, ancien directeur général du radiodiffuseur public italien RAI.

Une plus grande visibilité

L’objectif à terme est de faire en sorte que les médias certifiés, sur la base du volontariat, puissent bénéficier d’« avantages concrets », espère M. Deloire. On pourrait imaginer, par exemple, un traitement privilégié par les algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux, permettant une plus grande visibilité et donc des recettes publicitaires plus importantes. Des contacts ont été établis avec Google et Facebook pour leur présenter la démarche. Les annonceurs pourraient également être intéressés.

RSF souhaite « apporter un outil pertinent ». Et indépendant : « Nous ne sommes à la solde de personne. » On peut également imaginer que le dispositif soit utilisé par les pouvoirs publics pour le système des aides à la presse.