Immeubles HLM du quartier Port-Boyer, à Nantes. / Alain Le Bot / Photononstop / Alain Le Bot / Photononstop

Editorial du « Monde ». L’intitulé du projet de loi sur le logement, présenté mercredi 4 avril en conseil des ministres, a le mérite d’être évocateur : « ELAN » pour « évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ». De l’« élan », le gouvernement en aura effectivement besoin pour être à la hauteur de son ambition, qui consiste à créer « un choc de l’offre » en construisant « plus, mieux et moins cher », tout en protégeant les plus vulnérables.

La politique du logement en France a incontestablement besoin d’un ravalement important. Chaque année, l’Etat y consacre 40 milliards d’euros, sous la forme d’aides publiques, sans que la situation s’améliore en proportion de cet effort. Malgré les soutiens à la construction, le nombre de permis n’arrive pas à suivre le rythme de l’évolution démographique. Par ailleurs, la France a beau compter deux fois plus de logements sociaux que la moyenne européenne, on compte plus de 4 millions de mal-logés. L’offre d’habitations à loyer modéré (HLM) est à la fois mal répartie sur le territoire et mal utilisée. Ainsi, en zone urbaine, les locataires les plus pauvres sont majoritairement logés dans le parc privé, alors que, dans le même temps, un quart des occupants des logements sociaux appartiennent à la moitié la plus aisée de la population.

Soixante-six articles

La loi ELAN ne manque pas d’ambition au travers de ses soixante-six articles. Il s’agit à la fois de simplifier le code de la construction pour faciliter l’obtention des permis et accélérer les mises en chantier, rationaliser un secteur des HLM trop éclaté, faciliter l’accès au logement pour les étudiants ou les actifs en contrat à durée déterminée ou encore durcir la législation pour lutter contre les marchands de sommeil.

Mais, à vouloir s’attaquer à autant de sujets en même temps, le texte a comme un parfum d’inabouti, dans la mesure où la plupart des sujets sont renvoyés à des ordonnances, dont le contenu est encore à préciser. C’est le cas, notamment, de la réforme du code de la construction. Le toilettage consiste à limiter les concours d’architecture, à accélérer les jugements en cas de recours abusif, à alléger les règles d’accessibilité des handicapés, à rendre consultatif et non obligatoire l’avis des architectes des bâtiments de France et à promouvoir la construction préfabriquée. Voilà pour les objectifs. Le mode d’emploi, lui, reste à écrire. Or, dans ce domaine comme dans tant d’autres, le diable se cache dans les détails.

Bond ou saut de puce ?

La réforme des HLM semble plus mûre. Le gouvernement veut rendre le système plus équitable en réexaminant tous les six ans la situation des locataires pour voir si elle correspond à leurs droits et à leurs besoins. De leur côté, les bailleurs ­sociaux sont appelés à se regrouper pour gagner en efficacité. Enfin, il s’agit de ­dynamiser le parc en accélérant les ventes de logements sociaux pour en financer de nouveaux. Un pari, alors que la loi de finances vient d’amputer les recettes du secteur de 1,5 milliard d’euros.

Toute la question consiste à savoir si la loi ELAN n’est qu’une loi de plus qui connaîtra le même sort que les précédentes, qu’elles se nomment ALUR, Molle, ENL ou « égalité et citoyenneté ». Chacune avait son lot de bonnes intentions, mais leur application laisse à désirer, certaines mesures phares n’étant toujours pas entrées dans les faits. Cette fois-ci, le gouvernement propose de faire un bond. En l’absence d’objectifs chiffrés et de calendrier précis toutefois, celui-ci risque de se transformer en saut de puce.