Le président et cofondateur de Blablacar, Frédéric Mazzella, en septembre 2015, à Paris. / PATRICK KOVARIK / AFP

Chez Blablacar, en ce moment, on a du mal à dissimuler une certaine tendresse pour les cheminots, surtout ceux qui font grève. Il faut dire que les premiers chiffres rendus publics par l’entreprise de mobilité montrent que la grève SNCF qui a débuté à l’issue du week-end de Pâques va se révéler une très bonne affaire pour le numéro un mondial du covoiturage longue distance.

Ainsi, mardi 3 avril, le site a enregistré un pic d’offre de sièges multiplié par trois par rapport à un mardi normal. Au total, 184 000 places ont été proposées au cours de la journée, soit l’équivalent de 368 rames de TGV à deux étages – un record.

Quant à la demande, elle a été multipliée par six. L’entreprise ne précise pas combien de voyages ont été réellement effectués par l’intermédiaire de la plate-forme le 3 avril, mais, à en croire Nicolas Brusson, cofondateur et directeur général de la société, « une majorité des trajets proposés par les conducteurs ont trouvé preneur ». Cela représente 90 000 voyages au bas mot.

Sur certaines lignes, c’était même la saturation. « Ces deux derniers jours, une place sur Paris-Lille partait dans l’heure, souligne M. Brusson. Nos taux de remplissage pour cette liaison avoisinaient les 100 % les 3 et 4 avril. » Si bien que Blablacar a décidé, à l’occasion de la grève, de diversifier son offre en proposant des trajets en… autocar sur ces destinations très prisées.

L’expérimentation commence à partir du vendredi 6 avril sur Paris-Lille, dans les deux sens. Elle sera rapidement étendue à Paris-Rennes (lundi 9 avril) et Paris-Rouen (vendredi 13 avril). Les « Blabla-autocars » se contenteront de circuler pendant les pics de demande, c’est-à-dire pendant les jours de grève du calendrier syndical, ainsi que les vendredis et les dimanches.

5 millions de sièges en avril

Les places en car, qui, à Paris, partiront de la porte Dauphine et de la station Asnières-Gennevilliers, seront proposées sur le site Internet et l’application, au même titre que les autres propositions de voyages en auto. Quant aux cars, ils sont fournis et opérés par des petites et moyennes entreprises partenaires du projet. Il n’est pas question, pour l’heure, de repeindre les véhicules aux couleurs de Blablacar.

Cependant, cette discrétion ne durera peut-être pas. Si cette innovation est présentée comme une expérimentation destinée à s’adapter à la situation particulière du conflit social, Nicolas Brusson n’exclut pas que « l’idée s’inscrive dans la durée ». « Nous ferons le bilan une fois les grèves passées », poursuit-il.

En attendant, le site travaille d’arrache-pied pour s’efforcer de répondre aux promesses du début de la grève. « Nous serons en mesure de proposer 5 millions de sièges en avril et chacun des mois suivants si la grève dure », se réjouit M. Brusson. La direction assure que ni dans les voitures ni dans les futurs autocars, les prix n’augmenteront pour cause de surdemande.

La grève est aussi l’occasion de développer l’offre de covoiturage domicile-travail (de 20 à 80 kilomètres), que l’entreprise a lancée au mois de mai 2017, sous le nom de Blablalines. Celle-ci revendique 10 000 nouveaux inscrits à son offre sur moyenne distance pendant les deux premiers jours de la grève et dix fois plus de trajets effectués en covoiturage de proximité mardi 3 avril qu’un jour normal.

« La grève pourrait faire évoluer les comportements et, à terme, décongestionner nos pôles urbains », observe Frédéric Mazzella, président et cofondateur de Blablacar. « Des dizaines de personnes vont avoir l’occasion de découvrir Blablalines, ajoute M. Brusson. Et un grand nombre d’entre elles y restera. Cela me rappelle la grande grève SNCF de 2007. Nous en étions vraiment à nos débuts et, après le premier reportage télé sur notre start-up, les serveurs ont planté. Mais nous avons fidélisé des milliers de voyageurs. »