Le groupe de Lunel « a créé les conditions d’une émulation djihadiste collective », selon les juges qui ont instruit l’affaire / AP

La filière djihadiste de Lunel, qui avait vu une vingtaine de ses jeunes partir pour le djihad en Syrie, est au centre du procès de cinq hommes qui s’ouvre, jeudi 5 avril, devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Cette vague de départs, échelonnés entre 2013 et 2014, fut l’une des plus importantes de France, à l’échelle de cette commune de 26 000 habitants. Elle a fait de Lunel, localité de petite Camargue située entre Nîmes et Montpellier, un symbole de l’ampleur du phénomène djihadiste jusque dans de petites villes françaises.

Les « enfants perdus » de Lunel, partis en Syrie en famille ou entre amis, avaient d’abord rejoint le Jaysh Mohamed (l’armée de Mahomet), un groupe armé proche du Front Al-Nosra, alors allié à Al-Qaida. Puis l’organisation Etat islamique (EI).

La plupart de ces jeunes nourris de propagande étaient amis de longue date, fréquentaient ensemble la mosquée de la ville, des réunions sur la religion ou le snack « Le Bahut » tenu par Abdelkarim, le premier à avoir pris la route du djihad.

Quinze ne sont jamais rentrés et font toujours l’objet de mandats d’arrêt. Ils sont présumés morts en Syrie pour au moins huit d’entre eux, toujours en vie là-bas pour les autres. Ils font l’objet d’une enquête pour des faits passibles de la cour d’assises, selon une source judiciaire.

Cinq interpellations en janvier 2015

Les cinq hommes, âgés de 29 à 47 ans, avaient été interpellés fin janvier 2015. Deux d’entre eux sont accusés d’être partis en Syrie : Adil Barki et Ali Abdoumi. Barki, 39 ans, n’a passé que quelques semaines au Jaysh Mohamed, où il aurait été cantonné aux tâches ménagères en raison de violentes crises de panique. Abdoumi, qui à 47 ans fait figure d’ancien et se dit non musulman, a nié pendant l’enquête être parti pour la Syrie.

Les trois autres prévenus, Hamza Mosli, lui aussi détenu, et Jawad S. et Saad B. (sous contrôle judiciaire), n’ont pas quitté Lunel. Mosli, dont deux frères ont été tués en Syrie, est considéré par l’accusation comme « un personnage central » dans le groupe, soupçonné d’avoir joué un rôle de relais avec la Syrie. Devant les enquêteurs, il a contesté toute activité de recruteur. Jawad S. est accusé d’avoir incité au djihad en animant des « assises religieuses » en ville.

Quant à Saad B., dont le frère Abdelkarim a lui aussi été tué, il est soupçonné d’avoir convoyé sa belle-sœur à l’aéroport et de lui avoir transmis 190 euros ; il sera aussi jugé pour financement du terrorisme, comme Mosli.

Le groupe de Lunel « a créé les conditions d’une émulation djihadiste collective », selon les juges qui ont instruit l’affaire. L’enquête est centrée sur l’un des principaux recruteurs français, Mourad Fares, dont le lien avec Lunel est toutefois ténu – par le biais de contacts d’un de ses proches avec Hamza Mosli. Il est mis en examen et écroué dans cette procédure.