Le central du Valletta Cambiaso de Gênes, vendredi 6 avril. / TONY GENTILE / REUTERS

Depuis sa place de choix, au premier rang de la tribune présidentielle, David Haggerty affichait un sourire sans doute un peu forcé, vendredi 6 avril, à Gênes. Le président de la Fédération internationale de tennis (FIT), à l’origine du projet de réforme radicale de la Coupe Davis – qui prévoit notamment la fin des rencontres à l’extérieur et à domicile mais aussi des matchs en cinq sets – était venu assister à la première journée du quart de finale de Coupe Davis opposant l’Italie à la France. Un déplacement hasardeux, au regard des deux acteurs, tant la France et l’Italie ont chacune un lien particulier et une longue histoire avec la compétition.

A croire que joueurs français et italiens avaient envie de lui offrir un condensé de tous les ingrédients qui disparaîtraient si sa réforme venait à passer au mois d’août, en Floride, lors de l’assemblée générale de la FIT. Sur le central du Valletta Cambiaso, il a d’abord pu observer Lucas Pouille et Andreas Seppi ferrailler lors d’une partie décousue disputée… en cinq sets. Le Français avait le match en main, prêt à conclure rapidement en trois manches, avant de perdre le fil. Il se fit subitement moins tranchant au troisième set, multipliant les fautes directes quand dans le même temps, Andreas Seppi se montrait plus opportuniste et plus offensif. L’Italien remonta deux sets à zéro mais finit par céder (victoire de Pouille 6-3, 6-2, 4-6, 3-6, 6-1).

Accrochage entre Chardy et Fognini

Jérémy Chardy et Fabio Fognini, eux, s’accrochèrent dans tous les sens du terme : un début de match particulièrement serré, remporté par le Français au tie-break, deux petits sets empochés ensuite par l’Italien, et enfin une quatrième manche où Chardy remonta un handicap de trois jeux à zéro avant d’abdiquer (6-7, 6-2, 6-2, 6-3).

Les deux hommes, qui avaient déjà eu un différend à Indian Wells il y a un mois (l’Italien avait violemment insulté le Français), connurent à nouveau des moments de tension. Notamment en début de troisième set, où, lors d’un changement de côté, l’Italien reprocha au Français un frôlement d’épaules. Fabio Fognini lança une balle de rage dans sa direction et voulut s’expliquer avec lui, mais l’arbitre et son capitaine, Corrado Barazzutti, réussirent à le maintenir à distance.

Interrogé sur cette altercation, Yannick Noah préféra ironiser : « C’était pour mettre un peu d’atmosphère, il y avait une petite routine, les gens étaient déçus qu’il ne se passe pas quelque chose », dit en plaisantant le capitaine, qui en a profité pour envoyer un message implicite à MM. Haggery et Giudicelli (le président de la Fédération française, voisin du président de la FIT en tribunes ce vendredi) : « J’ai vu des images d’Espagne-Allemagne [les deux équipes sont également à égalité après les victoires d’Alexandre Zverev et de Rafael Nadal], y a aussi une belle ambiance, c’est ce que j’aime et que je défendrai avec la force que j’ai… »

Des supporteurs inquiets

L’ambiance, effectivement, fut à la hauteur d’une rencontre de Coupe Davis dans une enceinte pourtant modeste de 4 000 places. Si les tifosi se montrèrent timides jusqu’à midi, laissant croire aux Français qu’ils étaient en supériorité numérique, ils se firent ensuite sonores, scandant des « I-TA-LIA » à chaque coup de maître ou moment de fébrilité. Non contents de s’époumoner à grands coups de tambourin, le club officiel des supporteurs français avait choisi de porter un brassard noir pour protester contre la mort annoncée de la Coupe Davis dans sa formule actuelle : « Cela signifiera tout simplement la mort de notre club », se désolent Nathalie et Frédéric Coasne, un couple adhérent à l’ASEFT depuis cinq ans, venu de Lille.

Si la réforme de M. Haggerty prévoit une compétition ramassée sur une semaine, avec des parties en deux sets gagnants, la journée de vendredi a été un exemple de joutes à rebondissements que craignent de perdre les défenseurs de la Coupe Davis dans son format traditionnel : les deux matchs se sont conclus respectivement en 2 h 50 et 3 h 30. Le tout dans un décor qui fait précisément le sel de ces rencontres : en l’occurrence celui du Valletta Cambiaso, petit club au charme d’antan posé au milieu des pins. Toute la journée, le soleil inonda le court central survolé par les mouettes qui s’invitèrent elles aussi au spectacle.

A l’issue de la première journée, les deux équipes sont à égalité avant le double samedi à 14 heures qui opposera Pierre-Hugues Herbert et Nicolas Mahut à la paire italienne constituée de Simone Bolelli et Fabio Fognini. Un match qui sera comme prévu décisif. Le suspense, ultime ingrédient que la Coupe Davis version Haggerty entend édulcorer.