Acte I scènes 1, 3 et 5 : contestation de la trace de la balle (Wimbledon 2014). / ANDREW YATES / AFP

Chacun de ses matchs n’a rien à envier aux meilleurs actes de la commedia dellarte, sauf que lui ne joue pas masqué – il est plutôt du genre à assumer. Dans un circuit qu’on accuse d’être trop souvent aseptisé, Fabio Fognini tranche et ne laisse personne indifférent. Génie pour les uns, rustre pour les autres, un peu à l’image d’un Benoît Paire, le numéro un italien, 20e au classement, marque les esprits autant pour ses coups inspirés que pour ses sautes d’humeur. Parfois désopilantes, souvent grossières, voire offensantes.

Avec Jérémy Chardy, qu’il affronte ce vendredi 6 avril à Gênes en quart de finale de Coupe Davis, après le match opposant Lucas Pouille à Andreas Seppi, les hostilités ont été lancées dès le Masters 1000 d’Indian Wells, début mars. Rattrapé au score par le Français, ex-25mondial, Fognini n’a pas supporté de se faire bousculer de la sorte. Non content d’insulter son adversaire à plusieurs reprises, il a aussi brocardé son jeu, montrant l’étendue de sa classe :

« Va te faire f***re, 100e mondial toute ta vie. Il ne sait pas comment il joue. Il joue complètement au hasard… »

Le Français avait eu le dernier mot (4-6, 7-6, 6-4). Assistera-t-on à un règlement de comptes ce vendredi entre les deux hommes ? Pas sûr. En Californie, Chardy n’était pas tombé dans le piège : « Ce qu’il fait sur le court est tellement stupide et irrespectueux que ça ne m’atteint même pas. C’est gratuit et méchant, ça n’a aucun intérêt », réagissait-il le 28 mars dans L’Equipe.

« Un bon ratasse », dixit Monfils

En matière de langage fleuri, Fognini est du genre poète récidiviste. En 2015, à Hambourg, c’est Rafael Nadal qui en avait fait les frais. Une fois n’est pas coutume, l’Italien proféra ses injures en espagnol, qui se passent de traduction : « No me rompas los huevos ». Joueurs, arbitres, spectateurs, entraîneurs…, tout le monde en prend pour son grade.

Plus graves furent ses insultes misogynes, à l’issue de son élimination au premier tour du dernier US Open, contre l’arbitre suédoise Louise Engzell, qualifiée – entre autres amabilités – de « truie ». Ce comportement outrancier lui avait valu d’être exclu du tournoi (il était encore en lice en double), et de recevoir, outre une amende de 96 000 dollars, une suspension avec sursis pour deux tournois du Grand Chelem, une sanction rarissime. Fognini, qui fêtera ses 31 ans en mai, avait alors promis qu’on ne l’y reprendrait plus.

« Bien sûr, je me fâche, contre le juge de chaise ou les juges de ligne, mais c’est toujours contre moi, se justifie-t-il dans L’Equipe, à la veille d’affronter la France. Je suis simplement très fâché et très déçu par moi-même. J’ai toujours été comme ça. Je ne me cache pas derrière une balle. Je suis comme je suis. Je ne sais pas si c’est bien ou si c’est mal. »

Aussi habitués soient-ils à ses numéros, ses adversaires en perdent parfois leur tennis. En cinq affrontements en 2015, Rafael Nadal avait été battu trois fois, dont deux sur terre battue, surface sur laquelle l’Italien a acquis les six titres de sa carrière. « Le plus difficile, ça a été de rester dans le match. Il a l’habitude de toujours faire ça. En rentrant sur le court, je savais que je devais rester calme. Il ne faut pas rentrer dans son petit jeu, parce que ça peut devenir compliqué », disait Jo-Wilfried Tsonga après l’avoir battu à Roland-Garros en 2012.

Acte III, scène 2 : vrille arrière et jet de raquette, 3 juin 2017, Roland-Garros. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

Des quatre tournois du Grand Chelem, le tournoi parisien est celui qui lui a valu son meilleur résultat, un quart de finale, en 2011. Personne n’a oublié son match d’anthologie contre Gaël Monfils porte d’Auteuil l’année d’avant. Un duel à la nuit tombante, jusqu’à ce que l’arbitre renvoie les deux joueurs au vestiaire à 5-5 dans le dernier set : « Fabio n’était pas content du tout. Il a insulté tout le monde dans le vestiaire pendant une demi-heure en rentrant, se remémorait Gaël Monfils en 2015. Mais moi, je trouve ça marrant. C’est un énervement marrant, disons. Fabio, je le connais depuis tout petit, il a toujours été comme cela. Il a un bon caractère. C’est un guerrier. Il a beau parler, faire semblant de nous entuber, c’est un bon ratasse ! »

« Patte » en coup droit

Joueur arrogant, turbulent, certes, mais au talent évident. La fougue de Fognini, c’est aussi des gestes fabuleux, grâce à une « patte » en coup droit. Reflet de cette dichotomie, sa carrière est faite de hauts et de bas, voire de très bas : l’Italien est capable de s’offrir le scalp de joueurs du Top 5 et de perdre misérablement contre le 500e mondial au premier tour d’un Masters 1000. Cette inconstance – nonchalance, diront certains – explique pourquoi il s’est toujours maintenu dans le ventre mou du classement, entre la 13e à son meilleur (en 2014) et la 50e place mondiale.

Fognini sait aussi briller en double : son succès à l’Open d’Australie 2015 aux côtés de Simone Bolelli sur la paire… Mahut-Herbert (alignés samedi), a donné à l’Italie son premier titre en double messieurs de l’ère Open. Mais pour le préserver en simple durant le week-end, Corrado Barazzutti, l’inamovible capitaine – il est en poste depuis 2001 – lui a préféré Paolo Lorenzi pour épauler Bolelli.

« Les France-Italie, quel que soit le sport, c’est toujours un événement. Les enjeux psychologiques ont commencé quand on s’entraînait côte à côte, on s’est un peu toisés, gentiment. Mais il y a un vrai respect », résumait mercredi le capitaine des Bleus, Yannick Noah. Et d’ajouter : « Mais ce n’est pas l’équipe de France contre Fognini, c’est l’équipe de France contre l’équipe d’Italie », allégeant involontairement la pression sur l’ennemi numéro un du week-end.

Tennis. Fabio Fognini - Crazy Moments
Durée : 10:01