Devant la faculté de lettres de Nantes, bloquée, jeudi 5 avril. / STÉPHANE MAHÉ / REUTERS

Le premier ministre, Edouard Philippe, a assuré, jeudi 5 avril, que les examens dans les universités auraient « évidemment » lieu, tandis qu’occupations et blocages se poursuivent dans une douzaine d’universités, sur 73 au total. La contestation contre la réforme de l’entrée à l’université, qui avait très peu mobilisé ces derniers mois, a gagné en ampleur depuis l’expulsion violente d’étudiants et de militants de la fac de droit de Montpellier, fin mars.

Trois universités étaient, vendredi 6 avril, entièrement bloquées par des étudiants protestant contre la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), estimant que les nouvelles modalités d’accès à la fac constituent une « sélection » : à l’université Montpellier-III-Paul-Valéry, une AG de quelque 3 000 étudiants a voté à la fin de mars « un blocus illimité » jusqu’à « l’abrogation de la loi Vidal ». A Toulouse, l’université Jean-Jaurès (sciences humaines) est bloquée depuis le 6 mars, tandis que celle de Paris-VIII (IUT exceptés) l’est depuis mardi.

La situation dans d’autres établissements était fluctuante, avec des blocages maintenus, levés ou mis en place, selon les bureaux régionaux de l’AFP. Plusieurs sites ont suspendu leurs cours. C’est le cas sur le campus Tolbiac de l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-I) depuis lundi 26 mars, et à la faculté de lettres de Sorbonne-Université (Paris-IV) depuis mardi. Sur Twitter, cette dernière précise que « tous les cours sont annulés ».

A Lille, où le blocage a débuté jeudi, la préfecture, « en plein accord avec la rectrice et le président de l’université », a envoyé des policiers sur le campus de Lille-II pour assurer « le libre accès de la faculté de droit aux étudiants », a-t-elle fait savoir à l’AFP. « On a été amputé de notre liberté de manifester. Nous avions voté en AG le blocage reconductible jusqu’à l’annulation des examens », a déploré une étudiante. Un amphithéâtre de Lille-III reste bloqué et les étudiants mobilisés y dorment la nuit.

A l’université Grenoble Alpes (UGA), une soixantaine de manifestants ont bloqué jeudi matin « avec des poubelles et autres encombrants l’accès au bâtiment de l’UFR arts et sciences humaines sur le domaine universitaire de Saint-Martin-d’Hères », a rapporté la direction. Sur le reste du campus, les cours ont eu lieu normalement. L’université a, par ailleurs, porté plainte pour des dégradations commises mardi dans le bâtiment de la direction et des tags injurieux à l’encontre du président Patrick Lévy. Les dégâts sont estimés à 20 000 euros.

A l’université d’Aix-Marseille, pour la première fois depuis le début du mouvement national, des amphis étaient occupés jeudi.

A l’université de Lorraine, à Nancy, une assemblée générale de plus de 1 200 étudiants de la faculté de lettres et de sciences humaines a voté, jeudi, la poursuite du blocage du campus qui entre ainsi dans sa troisième semaine. Lors d’une autre AG sur le site du Saulcy à Metz, environ 250 étudiants ont voté le blocage à compter de vendredi du bâtiment d’arts-lettres-langues et la mise en place d’un barrage filtrant selon Le Républicain lorrain.

A Nantes, un « blocus illimité » d’une partie du campus de Tertre-Censive (lettres, sciences humaines) a été voté mardi en AG.

Statu quo à Bordeaux. Le site de la Victoire, en centre-ville, qui accueille en temps normal quelque 3 000 étudiants, reste bloqué depuis le 15 mars. Les cours sont assurés sur d’autres sites de l’université bordelaise. Les étudiants qui occupent ce site réclament, comme ailleurs en France, le retrait de la loi Vidal. Via la page Facebook Bordeaux, casse ta sélection, ils demandent aussi la démission du président de l’université, l’annulation des examens du second semestre pour les promotions touchées par les perturbations liées à la mobilisation, et 15/20 pour les étudiants. Des revendications qui ont suscité les quolibets sur les réseaux sociaux.

A Rennes-II, université en général très active lors des mobilisations étudiantes, mais qui est loin d’être en pointe sur le mouvement actuel, une AG de 150 personnes a voté le blocage de la fac pour lundi 10 et mardi 11, avec possibilité de le reconduire. Les étudiants mobilisés réclament le report des examens.

A Tours, une assemblée générale était organisée vendredi après-midi pour décider du maintien ou non du blocage du site des Tanneurs. Celui-ci a finalement été levé par 194 voix « contre », et 168 « pour », rapporte notre journaliste présente sur place. Les cours pourront donc y reprendre lundi.

A Strasbourg, une centaine d’étudiants qui occupaient un amphithéâtre ont été évacués par les forces de l’ordre mercredi soir. Alors qu’à Lyon-II le grand amphithéâtre, qui était occupé depuis mardi soir a été libéré, jeudi, « d’un commun accord entre la présidence et collectif étudiant », rapporte l’agence spécialisée AEF. Elle précise aussi qu’à l’université Toulouse-III était organisée pour la première fois une assemblée générale à laquelle près de 200 personnes ont assisté.

« Les examens doivent avoir lieu »

A la question de savoir si le mouvement menace la tenue des examens, qui vont s’échelonner, selon les universités, de la fin avril à la fin mai, l’université de Lille a assuré, dans un communiqué vendredi, « que les examens du semestre auront bien lieu dans ses facultés ». Même son de cloche du côté du gouvernement : « Les examens doivent avoir lieu », a déclaré Edouard Philippe, jeudi, sur France Inter. Interrogé pour savoir s’ils se tiendraient dans les meilleures conditions, il a répondu « évidemment ».

Moins catégorique, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal a déclaré le même jour sur RTL que les examens se tiendront pour « la très grande majorité » des étudiants. La ministre a aussi émis l’hypothèse que les examens puissent, si besoin pour les facultés actuellement perturbées, ne porter que « sur les quatre cinquièmes du programme » et que « le reste soit repris l’année suivante ».

Quant à certains étudiants qui réclament que la moyenne leur soit donnée automatiquement lors des partiels, Frédérique Vidal a répondu : « On ne va pas à l’université pour avoir une note, on va à l’université pour apprendre des choses» Edouard Philippe a déclaré, de son côté, que cette « idée (…) le laisse rêveur sur la conception qu’ils ont eux-mêmes de leur travail, de la chance qui leur est donnée d’aller à l’université », avant d’ajouter que « cette vision des choses semble extrêmement minoritaire chez les étudiants ».

Edouard Philippe a, par ailleurs, condamné « toutes les violences contre les personnes et les biens », disant « regarder » la situation « avec beaucoup de vigilance ».