« Le pragmatisme a triomphé. Je suis satisfait que l’on puisse sortir d’une situation bloquée qui n’était bonne ni pour les uns ni pour les autres », a indiqué au Monde vendredi 6 mars Michel Enguelz, délégué national de Force Ouvrière chez Carrefour, à la suite de concessions de la part de l’entreprise, augmentant les chances d’aboutir dans les prochaines semaines à la signature d’un accord avec les organisations syndicales. Après avoir conduit des mouvements de grèves chacune de leur côté depuis fin 2017, les grandes organisations syndicales FO, CFDT et CGT, avaient organisé une grande journée de mobilisation historique le 31 mars, qui avaient conduit au blocage de certains magasins avec, selon la direction, 18 % de salariés en grève.

Ces gestes concernent, notamment, la participation, sujet particulièrement sensible auprès des salariés : après avoir été augmentée de 350 euros, contre 57 euros initialement, cette dernière sera complétée d’un bon d’achat de 150 euros à dépenser au sein de l’enseigne. Un système qui permettra de réinjecter du chiffre d’affaires dans le groupe. « On arrive à 557 euros par salarié. C’est quand même 55 millions d’euros qui ont été obtenus pour les 110 000 salariés en France », reconnaît M. Enguelz.

Un délai pour la mise en location gérance de 5 magasins

D’autres demandes ont également éte satisfaites permetteant d’envisager une sortie de crise. C’est le cas des droits des salariés des cinq hypermarchés qui passeront en location-gérance. « Carrefour a accepté de prendre du temps en reportant le passage en location-gérance des cinq hypermarchés au mois de septembre, et non plus au 30 juin », indique M. Enguelz, ce qui laissera un délai aux deux parties pour mettre sur le papier les dernières avancées.

Les syndicats réclamaient ainsi le maintien des droits des salariés sortant du périmètre direct de l’entreprise en matière de régimes de garanties (remboursements maladies, couvertures décès et invalidités…). « La direction a accepté le principe de créer un régime de santé voisin de celui des salariés de Carrefour, indique M. Enguelz. Elle a également accepté de maintenir le système de remise sur achats dont bénéficient les salariés de Carrefour, ainsi que le maintien des tickets restaurants. Et elle est d’accord sur le principe de prolonger certains avantages de l’épargne salariale actuelle. Bien sûr, les salariés auront des changements dans leur façon de travailler, dans leurs horaires, leur contrat de travail… On ne peut pas agir sur le reste puisqu’ils changent d’employeur, mais au moins ils conserveront des garanties importantes sur leur vie de tous les jours ».

Le plan de transformation du groupe, annoncé en janvier, prévoit la cession de 273 magasins issus de l’ancien réseau de hard-discount Dia (qui seront fermés s’ils ne trouvent pas de repreneurs), menaçant directement 2100 employés de ces magasins . Carrefour s’était engagé à en reclasser la moitié. Selon nos informations, le groupe Casino est intéressé par la reprise de certains magasins, mais aucun chiffre sur le nombre total de magasins cédé par Carrefour n’a encore été annoncé. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est en cours. « La direction a accepté de permettre à des salariés de partir en pré-retraite par accord d’entreprise sur les hypermarchés, les supermarchés et dans la logistique, ce qui permettra de libérer 1500 à 1800 postes, de manière à faciliter le reclassement des salariés des ex-Dia concernés par la fermeture de leurs magasins », indique M. Enguelz.

Création d’un « observatoire du changement »

Concernant le plan de départs volontaires de 2 400 personnes au siège du groupe, prévu également dans le plan de transformation, Carrefour a accepté de prendre en compte certaines demandes, sur des points précis, comme le fait de ne plus avoir à demander l’accord de son supérieur hiérarchique pour être libéré si le salarié trouvait un emploi ailleurs, ou encore la création d’un « observatoire du changement » avec la nomination d’un expert indépendant pour accompagner les salariés et faire l’interface avec la DRH et la direction.

Après toutes ces discussions et ces avancées, les syndicats FO et CFDT relâchent la pression tout en affirmer leur volonté de rester vigilants sur la mise en œuvre concrète des concessions de la directions. Ils n’ont pa prévu de poursuivre le mouvement de grève. Au contraire de la CGT, qui campe sur son opposition, appelant les salariés à manifester « le 13 avril et les week-ends des 1er et 8 mai 2018 ».