Le délégué général de LRM, Christophe Castaner, entouré de membres du gouvernement, à Nogent-sur-Marne, le 17 mars. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

Cap sur les élections européennes. La République en marche (LRM) démarre sa campagne pour le scrutin de mai 2019, samedi 7 avril, en lançant une « Grande marche pour l’Europe » dans toute la France. Initialement prévue le 24 mars, cette opération de porte-à-porte avait été décalé en raison de l’attaque terroriste survenue, la veille, dans l’Aude.

Durant cinq semaines, le mouvement macroniste entend frapper à plus de 100 000 portes afin de recueillir les attentes des citoyens sur l’Europe. Questionnaire en main, les militants LRM poseront des questions simples et ouvertes, telles que : « Si je vous dis “Europe”, ça vous fait penser à quoi ? » ou « Selon vous, qu’est-ce qui ne marche pas en Europe ? »

Cette méthode de démocratie participative vise à nourrir le logiciel du parti présidentiel, sur le modèle de la consultation engagée à sa naissance, en avril 2016, pour mener Emmanuel Macron au pouvoir. « Cela servira à alimenter notre projet pour une refondation du projet européen », explique au Monde le délégué général de LRM, Christophe Castaner.

Pour l’occasion, la Macronie sort la grosse artillerie : une dizaine de ministres et près de deux cents parlementaires seront mobilisés, samedi, dans toute la France. Chef d’orchestre de la campagne, M. Castaner multiplie les initiatives. Après avoir réuni, le 19 mars, un comité de campagne – qui rassemble le bureau exécutif et les ministres membres de LRM –, il a tenu un meeting à Paris, deux jours plus tard, en compagnie de la ministre des affaires européennes, Nathalie Loiseau, et de l’ex-député européen Daniel Cohn-Bendit. Samedi, il sera à Tours pour lancer officiellement cette « Grande marche ».

Un contexte de montée des populismes

L’occasion de sensibiliser, dès à présent, les électeurs à ce scrutin. Alors que les autres formations n’ont pas encore démarré leur campagne, le mouvement macroniste veut prendre la main pour tenter d’imposer au cœur du débat le discours pro-européen sur lequel Emmanuel Macron a été élu à la présidentielle. Avec l’objectif de réhabiliter ce thème aux yeux des électeurs.

« Il faut récréer du lien entre les Français et l’Europe, car la dernière fois qu’on les a interrogés sur ce thème, c’était en 2005 avec le référendum », souligne le député LRM de la 4circonscription des Français établis à l’étranger (Benelux), Pieyre-Alexandre Anglade.

Un défi ardu dans un contexte de repli nationaliste et de montée des populismes sur tout le Vieux Continent, symbolisés par le Brexit ou par les résultats des élections en Allemagne et en Italie récemment. Un phénomène auquel n’échappe pas la France, où une grande part de l’opinion se montre critique vis-à-vis de l’Union européenne (UE).

Après la victoire du Front national (FN) aux élections européennes de 2014 (avec près de 25 % des suffrages), les candidats défendant une ligne eurocritique – parmi lesquels Marine Le Pen (FN), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) ou Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise, LFI) – ont réuni près de 50 % des suffrages au premier tour de la présidentielle de 2017 en multipliant les attaques contre l’UE.

Le président joue gros

La persistance d’un euroscepticisme dans l’opinion et l’éventualité d’une forte abstention – traditionnellement élevée aux européennes, en France (56 % en 2014, plus de 59 % en 2009) – rendent compliqués les espoirs de conquête de M. Macron et de ses troupes.

« La tâche est ambitieuse car il y a un contexte de défiance organisé par la classe politique depuis de nombreuses années afin de masquer ses propres insuffisances, analyse M. Castaner. Face à ceux qui mettent en cause Bruxelles de manière permanente, il est d’autant plus nécessaire de répéter que nous avons besoin de l’Europe. » « Le défi n’est pas simple », admet-il.

Or, le président français joue gros lors du scrutin de 2019 : après plusieurs revers à des législatives partielles, ce sera son premier vrai test électoral sur la scène nationale. Et, de surcroît, sur une thématique qui lui est chère. « C’est une élection extrêmement importante pour LRM, car Emmanuel Macron a eu le courage de mettre le thème de l’Europe au cœur de sa campagne présidentielle, et ce sujet fait partie de l’ADN du mouvement », observe M. Anglade.

La suite du quinquennat et la capacité de la France à faire bouger les lignes à l’échelle du continent dépendent, aussi, du résultat de LRM à ces élections. « Si on veut impulser une dynamique [au sein de l’UE], il faut être en tête en France lors du scrutin », estime le député (LRM) de Paris, Pierre Person.

Nouer des alliances

M. Macron va lui-même s’engager fortement. Après avoir prononcé deux discours sur l’Europe en septembre 2017 (à Athènes et à la Sorbonne), le chef de l’Etat en tiendra un nouveau, le 17 avril, au Parlement européen de Strasbourg. Le même jour, il lancera les « consultations citoyennes » qui doivent être menées en France et partout en Europe, jusqu’en décembre, pour préparer la campagne des européennes.

A ce jour, c’est une des seules idées de M. Macron à avoir rencontré un écho franchement favorable à Bruxelles : seule la Hongrie de Viktor Orban a refusé de lancer ces consultations.

En parallèle, le mouvement macroniste cherche à nouer des alliances avec d’autres formations européennes, comme Ciudadanos, en Espagne, pour trouver un point de chute au Parlement européen. Si l’idée de s’intégrer à un groupe existant n’est pas exclue, la création d’un nouveau reste l’option privilégiée. Avec l’objectif de faire émerger une force centrale pro-européenne qui bousculerait la domination des deux grands groupes traditionnels – socialistes et Parti populaire européen – sur le modèle de la recomposition ayant eu lieu sur la scène politique française.

« Renverser la table en Europe »

« Notre capacité à nouer des alliances avec d’autres forces progressistes est un gros enjeu, souligne Gabriel Attal, porte-parole du mouvement. Il en va de notre crédibilité. Nous allons montrer que nous sommes en capacité de renverser la table en Europe et pas seulement un parti dans un pays. »

Sur le fond, le discours commence à se roder pour la campagne. Présentés par l’opposition comme les partisans d’une Europe ultrafédéraliste, les dirigeants de LRM veillent à déminer la caricature de parti « eurobéat ». Ils assument donc un discours pro-européen, tout en se montrant critiques sur la manière dont l’UE fonctionne.

« Nous voulons défendre le projet européen – en expliquant que l’UE est le cadre nécessaire pour apporter des réponses sur les grands enjeux comme la crise des migrants, la lutte contre le changement climatique ou la gouvernance économique –, tout en insistant sur la nécessité de le refonder », explique M. Anglade.

Le slogan est déjà trouvé : « Bâtir une Europe qui protège », comme l’a annoncé M. Castaner. Un objectif aussi ambitieux que compliqué dans sa réalisation concrète.