Documentaire sur Public Sénat à 23 h 30

Depuis dix ans, dans son magazine « Déshabillons-les », sur ­Pu­blic Sénat, Hélène Risser passe au crible les discours, gestuelles et images des politiques en faisant appel à des philosophes, des sémiologues ou des psycho­logues. Riche matière que celle-ci, surtout en cette décennie marquée par deux quinquennats émaillés de dérapages verbaux, de confidences surprenantes ou de décisions incompréhensibles, qui ont affaibli une fonction que, ­chacun à sa manière, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont tenté de modifier. Comme si le pouvoir et les nouvelles conditions dans lesquelles il s’exerce ­depuis quelques années – en raison notamment de l’accélération du temps politique et médiatique – avaient affecté leur cerveau.

­Hélène Risser, épaulée par la journaliste Hélène Fresnel, a mené l’enquête, en s’appuyant sur les dernières recherches qui ont été conduites en psychologie et en neurosciences sur la manière dont le cocktail pouvoir, solitude et stress influe sur le comportement et la prise de décision.

Phénomène de cour, tout-puissance, isolement

Hybride dans son propos – mi-scientifique, mi-politique – autant que dans sa forme, qui alterne entretiens avec des proches de Nicolas Sarkozy, de François Hollande, d’Emmanuel Macron et ceux avec des scientifiques (neurologue, éthologue, psychanalyste, psychologue…), cette enquête suit l’évolution de ces deux présidences, ainsi que les débuts de celle d’Emmanuel Macron. Elle tente aussi de saisir comment la vie au « Palais » avec son phénomène de cour, le sentiment de toute-puissance, l’isolement ou encore la pression et le stress ont conduit au fameux « Casse-toi, pauvre con », lancé par Nicolas Sarkozy à un homme qui refusait de lui serrer la main au ­Salon de l’agriculture. Ou encore à l’intervention incongrue de François Hollande dans l’affaire Leonarda, puis ses longues confidences aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme dans « Un président ne devrait pas dire ça… » (Stock, 2016).

Nicolas Sarkozy à la Mairie de Paris en 2007. / CHRISTOPHE ENA/AP

L’idée de faire appel à des scientifiques pour démontrer les incidences du pouvoir sur le cerveau de nos présidents était en soi doublement séduisante, par son ­approche et son questionnement. Et pour le moins ambitieuse. Trop peut-être. Sinon comment comprendre que cette enquête ne se démarque fina­lement que peu des analyses ­connues et rebattues. Comme celle qui ­consiste à dire que le cadre monarchique élyséen et sa charge symbolique mettent à distance le chef de l’Etat non seulement des citoyens, mais également de son entourage, isolement contribuant à nourrir la méfiance, voire l’hostilité. Ou qu’une forme d’impunité autorise à favoriser ses proches, à l’image de Nicolas Sarkozy confiant à son fils Jean, encore étudiant, la direction de l’Epad de la Défense. Sans parler du cheminement de pensée des auteurs, qui n’apparaît pas toujours très clairement.

Paradoxalement, c’est moins du côté des scientifiques que des intervenants politiques, tels ­Patrick Devedjian, savoureux dans ses formules, Aquilino Morelle, conseiller de François Hollande, Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, ou Gilles Savary, ex-député so­cialiste, que l’on trouvera finalement les analyses les plus éclairantes et ­significatives.

Le pouvoir nuit-il gravement au cerveau ?, d’Hélène Fresnel et Hélène Risser (Fr., 2018, 55 min)