Viktor Orban, le premier ministre hongrois, lors de son dernier meeting de campagne à Szekesfehervar, le 6 avril. / FERENC ISZA / AFP

Moi ou le chaos. Pour convaincre les électeurs de le soutenir dimanche 8 avril, Viktor Orban a sorti l’artillerie lourde. « Il y a le choix entre deux possibilités pour ces élections », a-t-il de nouveau répété, le 1er avril, à l’occasion d’un entretien accordé à la chaîne Echo TV. « Il y a d’un côté nos candidats, qui veulent que la Hongrie reste hongroise. Et il y a les candidats de George Soros de l’autre côté, qui veulent qu’on abandonne nos traditions chrétiennes et nationales pour fondre la Hongrie dans une grande internationalité avec l’instrument remarquable de l’immigration. »

Si le premier ministre souverainiste sortant caricature ainsi les têtes d’affiche de l’opposition en marionnettes d’un milliardaire juif américain, c’est parce que le résultat du scrutin devrait être beaucoup plus imprévisible pour lui qu’en 2010 (52,7 %) et en 2014 (44,6 %). Non pas que l’ancien dissident âgé de 54 ans craigne d’être battu : il est certain d’arriver en tête pour la troisième fois d’affilée. Mais le risque persiste de voir son parti, le Fidesz, perdre sa « super-majorité » des deux tiers au Parlement, voire sa majorité tout court.

« Boulette du siècle »

Car rien ne s’est déroulé, pendant la campagne du croisé de l’Europe non libérale, comme ses stratèges l’avaient espéré. Le 10 janvier, Kristof Altusz, un secrétaire d’Etat rattaché au ministère des affaires étrangères, a d’abord commis la « boulette du siècle » en affirmant dans les colonnes d’un média maltais que la Hongrie avait accueilli sans fanfare 1 300 réfugiés en 2017, soit exactement le nombre exigé par la Commission européenne.

De quoi mettre à mal tous les éléments de langage de ces derniers mois, axés exclusivement sur le « refus de l’invasion musulmane » et du diktat de Bruxelles. L’information, qui prouve que Viktor Orban applique la politique de solidarité européenne sans le dire à ses administrés, a été largement relayée sur les réseaux sociaux.

S’il n’obtient que 27 % des voix et que l’opposition remporte 40 circonscriptions, Viktor Orban ne pourrait plus gouverner seul. Un scénario « tout à fait envisageable », selon l’analyste Andras Pulai, de l’institut Publicus. En conséquence, il lui faudrait tenter de débaucher des députés élus sous une autre étiquette, car, à l’heure actuelle, aucune formation politique ne souhaite s’ériger en partenaire minoritaire.

Selon les sondages, l’ex-plus jeune premier ministre – 35 ans au début de son premier mandat entre 1998 et 2002 – peut toujours compter sur le soutien sans faille d’un bon tiers des électeurs. Or, grâce au système électoral qu’il s’est taillé sur mesure en 2011, « avec 30 % seulement des suffrages, il peut obtenir les deux tiers des sièges à la Chambre », rappelle le politologue Laszlo Keri, même si la majorité des électeurs souhaite un changement à la tête de la Hongrie et que le taux des indécis frôle les 40 %.

Un seul tour de scrutin

Viktor Orban a imposé un seul tour de scrutin, afin d’empêcher les coalitions de second tour et de réduire les chances des petites formations. Quelle que soit sa performance, le candidat arrivé en tête deviendra donc député dimanche. Pour avoir une chance de l’emporter, les forces de l’opposition auraient donc dû se rallier à une candidature unique. « Mais nous ne voulons pactiser avec personne », balaie l’élu Jobbik (extrême droite), Istvan Szavay, alors que sa formation, fondée en 2003 est créditée, loin derrière le Fidesz, de la deuxième place (14 %).

La gauche et les libéraux, éparpillés entre plusieurs formations concurrentes, ne semblent pas non plus très enclins au rassemblement : il y a quatre ans, cinq partis avaient formé une alliance, sans bon résultat. Plusieurs d’entre eux ne devraient pas obtenir les 5 % nécessaires pour siéger au Parlement.

Le parti socialiste MSZP (9 %), créé en 1989 à la suite de la dissolution du parti unique et allié pour l’occasion à une petite formation, Dialogue, souffre toujours de son image d’héritier d’une ère honnie : celle de l’Union soviétique, mais aussi celle de la récession d’il y a dix ans, dont Viktor Orban ne manque jamais de rappeler la gravité, notamment en raison des choix économiques hasardeux effectués par la social-démocratie alors au pouvoir.

Elle pâtit également de la concurrence de la Coalition démocratique (DK), fondée en 2011 par l’ancien premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsany. Ce dernier persiste à vouloir peser dans le jeu politique de Budapest, malgré son impopularité abyssale, les Hongrois lui imputant une grande part de la crise économique qui leur a fait prendre du retard dans le rattrapage avec l’Ouest. Quand aux écologistes du LMP, ils ne sont crédités que de 5 % des intentions de vote, même si leur représentante au niveau national, Bernadett Szel, 41 ans, figure parmi les personnalités les plus populaires du pays.