« Un incident ». Cinq mois après l’annonce par le premier ministre libanais, Saad Hariri, de sa démission depuis Riyad, apparemment sous la pression du prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman, le président libanais, Michel Aoun, estime que « les relations avec l’Arabie saoudite reviennent à la normale ». « Ce qui est arrivé il y a un certain temps, il y a des mois, était accidentel. C’est dû peut-être à quelqu’un qui a mal conseillé le prince Mohamed Ben Salman. Cette faute a été commise, c’est dépassé maintenant », a confié M. Aoun depuis le palais de Baabda, à Beyrouth, dimanche 8 avril, à l’émission Internationale diffusée sur TV5Monde, en partenariat avec Le Monde et Radio France Internationale. « C’était un incident, disons. Quelqu’un qui était son conseiller, un des ministres chargé des affaires arabes, a causé cet incident. Maintenant, il est écarté », a-t-il précisé.

L’annonce par Riyad du renouvellement d’une ligne de crédit d’un milliard de dollars lors de la conférence Cedre de soutien à l’économie libanaise, qui s’est tenue à Paris le 6 avril, traduit un « rapprochement ». « L’Arabie saoudite est un pays ami », insiste le chef de l’Etat libanais de 81 ans, qui se rendra à Riyad, le 15 avril, pour le sommet annuel des chefs d’Etat arabes.

Alors que la monarchie saoudienne avait suspendu, en février 2016, une aide de 3 milliards de dollars à l’armée libanaise, inquiète de l’influence croissante de l’Iran au Liban, M. Aoun se dit confiant que cette promesse faite à Paris soit honorée. « On a confiance aujourd’hui car les relations avec l’Arabie saoudite reviennent à la normale », insiste-t-il.

Promesse d’une aide internationale de 11 milliards de dollars

Près de 11 milliards de dollars ont été promis au Liban – 10,2 milliards de prêts et 860 millions en dons, dont 550 millions d’euros par la France – pour moderniser sur les cinq prochaines années son économie, en panne depuis le début du conflit en Syrie en 2011 et l’afflux de plus d’un million de réfugiés, soit un quart de la population libanaise.

« Cela va nous aider à remonter la pente économique. Les guerres ont (occasionné) beaucoup de crises : la crise mondiale qui a touché notre économie, la guerre qui nous a assiégé surtout du côté de la Syrie qui est notre accès à notre espace vital et la grande crise des déplacés syriens qui sont 50 % de notre population, une proportion qu’aucun pays ne peut supporter. Nous en avons subi les conséquences : le chômage est à 42 %, le crime ordinaire, à 60 %. Notre infrastructure ne peut servir tous ces réfugiés : avec les Palestiniens, ce sont deux millions sur 4 millions », justifie le président libanais.

En échange de cette aide internationale, le Liban s’est engagé à Paris à lutter contre la corruption, moderniser le fonctionnement des marchés publics et favoriser une meilleure gouvernance fiscale. Seule une partie des engagements financiers pris lors de trois précédentes conférences de soutien, notamment en 2002 et 2007, avait été honorée, du fait de l’échec de Beyrouth à adopter les réformes structurelles promises.

« En ce qui concerne les lois et la réalisation de certains projets, ce n’est pas difficile. En ce qui concerne la corruption, c’est plus difficile. (…) Les personnes qui (participent à cette corruption) ou la protègent sont très influentes dans le pays et elle est généralisée à tous les secteurs. On va travailler avec les gens qui ont une certaine moralité », reconnaît le président Aoun.

Premières élections depuis 2009

La tenue des élections parlementaires, le 9 mai, les premières depuis 2009, après que le Parlement a prolongé son propre mandat à trois reprises, suscite un faible espoir de voir ce renouvellement au sein de la classe politique.

« Le nouveau système électoral va permettre à tout le monde de se présenter au Parlement. Avec le système à la proportionnelle, la minorité et la majorité vont être représentés : tout le peuple. Certains vont défendre les droits du peuple et favoriser le changement », assure M. Aoun.

Pour le président libanais, la mobilisation des Libanais autour du premier ministre Hariri pendant les deux semaines où il a été retenu à Riyad, avant de revenir sur sa démission une fois rentré au Liban avec l’aide de la France, va se traduire au moment du vote. « Cela va développer chez les Libanais un sentiment très fort d’indépendance et de ne pas accepter les ingérences dans nos affaires », estime-t-il.

Alliance avec le Hezbollah

L’alliance politique que Michel Aoun a scellée en 2006 avec le mouvement chiite Hezbollah, force politique incontournable sur la scène libanaise et dont le mouvement armé est souvent dénoncé comme constituant un Etat dans l’Etat et est classé organisation terroriste par les Etats-Unis, a été déterminante dans son élection à la présidence du Liban. Après deux ans et demi de vacance de la fonction présidentielle, un mandat dévolu à un chrétien selon la règle de répartition confessionnelle des postes au Liban, le Parlement l’a élu le 31 octobre 2016.

Ancien commandant des forces armées libanaises (1984-1990), le général Aoun avait cumulé les fonctions de premier ministre et plusieurs portefeuilles ministériels (intérieur, information, défense, affaires étrangères) lors du gouvernement de transition (1988-1990) formé à l’issue de la guerre civile libanaise.

Obligé de s’exiler en France pour s’être opposé à l’occupation syrienne du Liban, il n’a pu rentrer au Liban qu’après le retrait des forces syriennes du pays, consécutives à l’assassinat du premier ministre Rafik Hariri, le 14 février 2005. L’enquête internationale menée par le Tribunal spécial pour le Liban a mis en cause, en 2011, le Hezbollah et l’Iran, alliés du régime syrien, dans cet attentat.