La croissance est de retour en Europe, mais la répartition de ses fruits est inégale. Si le phénomène n’est pas nouveau, il inquiète particulièrement depuis la reprise. Les disparités entre les régions recommencent à se creuser au sein des pays, notamment entre les métropoles et les zones rurales : les premières concentrent de plus en plus d’activités au détriment des secondes. C’est particulièrement le cas en Europe centrale et de l’Est, où les campagnes continuent de se dépeupler.

Vendredi 5 avril, l’institut de recherche britannique Oxford Economics a publié une note passant au crible l’économie des 25 plus grandes villes du Vieux Continent et leurs perspectives de croissance entre 2018 et 2022. Celle-ci confirme la tendance : presque toutes devraient voir leur richesse augmenter à un rythme supérieur à celui de la moyenne nationale. Et la palme du dynamisme sera remportée par les métropoles d’Europe de l’Est.

Le produit intérieur brut (PIB) de Varsovie devrait ainsi croître de 3,7 % par an en moyenne d’ici à 2022, selon les prévisions de l’institut, suivie de Prague (3,3 %) et Sofia (3 %), devançant de peu Stockholm (2,9 %). La capitale polonaise se situerait loin devant Paris, à la dix-septième place (1,9 %), derrière Madrid (2,5 %), Londres (2,4 %), Lyon (2,4 %) et Athènes (2,1 %). Mais devant Milan (1,6 %) et Bruxelles (1,4 %).

Passage en revue des moteurs sectoriels

L’étude d’Oxford Economics est surtout éclairante lorsqu’elle passe en revue les moteurs sectoriels de ces agglomérations. On y détecte les premiers effets du Brexit. Le secteur des services financiers devrait croître de 2,3 % par an à Paris sur la période, contre 1,5 % à Londres. « C’est en partie l’effet du Brexit, mais pas uniquement : nous estimons que 7 500 emplois devraient quitter Londres au profit d’autres centres financiers européens pendant la période de transition », explique l’économiste Richard Holt, auteur de la note.

En revanche, les emplois devraient continuer de croître plus vite à Londres qu’à Paris dans d’autres secteurs, tels que les services administratifs et les fonctions de support. Résultat : si les deux villes ont enregistré la même croissance en 2017 (2 %), la capitale britannique repasserait de nouveau en tête dès cette année.

Son leadership financier sera néanmoins affaibli par d’autres mutations structurelles déconnectées du Brexit. A commencer par la croissance rapide des technologies numériques et des fintech en Europe du Nord et de l’Est.

« Varsovie, Sofia, Prague et Stockholm peuvent fournir des services d’une qualité qu’autrefois, seule la capitale britannique était en mesure d’assurer : elles auront donc moins tendance à externaliser leurs activités financières vers Londres ces prochaines années », souligne l’étude d’Oxford Economics.

Ces quatre villes sont celles où les services financiers devraient progresser le plus rapidement ces prochaines années (plus de 3 % par an).

Prague devrait, en outre, profiter d’un solide bond du secteur de l’information et de la communication (+ 5,3 % par an), tandis que Sofia concentrera une bonne partie de la croissance locale. La capitale bulgare affiche l’un des plus forts potentiels de rattrapage, mais les problèmes de corruption risquent de freiner les investissements étrangers.

En Europe du Nord, Stockholm sort du lot avec sa main-d’œuvre hautement qualifiée, son tissu économique diversifié (start-up et groupes industriels), et sa démographie dynamique, notamment du fait de l’immigration. Grâce à cela, sa croissance devrait surpasser de 0,8 point par an celle de la moyenne nationale suédoise sur la période (2,1 %).

A Lyon, l’industrie en forte croissance

Grâce à la bonne diversification de ses activités, Madrid enregistrerait le PIB en plus forte hausse au sud de la zone euro, à savoir de 2,5 % par an sur la période, contre 2 % à Barcelone, 1,6 % à Lisbonne ou 1,1 % à Rome. Mais dans la région, la palme de la plus forte croissance industrielle (2,7 %) reviendrait à Lyon. « Elle passe un peu sous les radars, et pourtant, Lyon devrait être la principale gagnante des réformes initiées par le président Macron, estime la note. Ses forces résident dans son industrie à haute valeur ajoutée et sa population jeune et qualifiée. »

En Allemagne, Berlin et Munich devraient tirer leur épingle du jeu (2 % de croissance par an entre 2018 et 2022), notamment grâce au dynamisme du secteur de l’information et de la communication. Plus surprenant, Francfort pourrait rester à la traîne (1,6 %). En dépit des éventuelles retombées positives du Brexit, les services professionnels devraient y progresser moins vite que dans la capitale allemande.