Hamza Mosli, Adil Barki et Ali Abdoumi, le 4 avril, devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. / BENOIT PEYRUCQ / AFP

Des peines de deux à neuf ans d’emprisonnement ferme, assorties pour quatre d’entre eux de peines de sûreté des deux tiers, ont été requises, mardi 10 avril, contre les cinq prévenus, Hamza Mosli, Adil Barki, Jawad Salih, Ali Abdoumi et Saad Belfilalia, qui comparaissent devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes terroristes » ou « financement d’une entreprise terroriste ».

Agés de 30 ans à 48 ans, tous vivaient à Lunel (Hérault), une petite ville de 26 000 habitants, qui a fourni une vingtaine de recrues à l’organisation Etat islamique (EI). Plusieurs de ces djihadistes ont trouvé la mort en Syrie à l’automne 2014, dont les deux frères cadets de Hamza Mosli et le frère aîné de Saad Belfilalia.

En ouvrant son réquisitoire, la procureure a tenu à répondre par avance à certains arguments de la défense selon laquelle on aurait fait porter, dès le départ, à ces prévenus, un chapeau trop grand pour eux. Non, a-t-elle dit, les cinq hommes – dont trois comparaissent détenus – n’ont pas été renvoyés devant le tribunal « à cause des attentats de janvier 2015 ». S’ils ont été interpellés dans le climat particulier du lendemain de la tuerie perpétrée par les frères Kouachi à Charlie Hebdo et Amedy Coulibaly à Montrouge (Hauts-de-Seine) et à la supérette casher, porte de Vincennes, à Paris, l’enquête qui les visait avait commencé six mois plus tôt, a rappelé la procureure.

Lunel n’est pas une exception

Ils ne sont pas là non plus à cause de la déshérence des quartiers, du silence ou de la tolérance de certaines mosquées face à la radicalisation de leurs fidèles. « La responsabilité est celle de chaque individu », a-t-elle observé. Ils ne comparaissent pas davantage « à la place de quelqu’un d’autre » – leurs frères, leurs amis qui ont rejoint l’EI et dont une quinzaine sont toujours sous mandat d’arrêt. Et non, a-t-elle affirmé, Lunel n’est pas une exception française : « Des départs simultanés de plusieurs personnes originaires d’un quartier, d’une ville, il y en a eu à Trappes, à Nice ou à Champigny. »

Cinq personnalités très différentes sont apparues à l’audience, en dépit des liens tissés au fil des années dans cette grosse bourgade de Petite Camargue, dans la fréquentation plus ou moins assidue de la même mosquée ou du snack Le Bahut. Si tous baignaient dans l’« atmosphère djihad » du quartier, leur engagement n’a pas le même degré de gravité.

Contre Saad Belfilalia, le jeune frère de l’un des djihadistes, la procureure a requis quatre ans d’emprisonnement, dont deux ferme. Elle a demandé au tribunal de prononcer six et huit ans ferme, assortis d’une peine de sûreté des deux tiers, contre Adil Barki et Ali Abdoumi qui se sont l’un et l’autre rendus pour un court séjour en Syrie.

Titulaires d’un diplôme d’études supérieures

La procureure a consacré une large part de son réquisitoire aux deux « intellectuels » du groupe, Hamza Mosli et Jawad Salih, titulaires d’un diplôme d’études supérieures, qui ont exercé, selon elle, une véritable influence à Lunel et joué « un rôle majeur » dans la diffusion des idées de l’EI.

A l’audience, l’un et l’autre ont reconnu – pour la regretter – leur adhésion de l’époque à l’idéologie djihadiste. Ils n’avaient guère le choix : les multiples écoutes de leurs conversations téléphoniques, de l’automne 2014 à la fin janvier 2015, témoignent de leurs obsessions pour la situation en Irak, de leur justification de la charia ou des décapitations, de l’admiration qu’ils vouent à ceux qui ont franchi le pas en allant combattre en Syrie, de la satisfaction que leur apporte l’annonce de l’attentat contre Charlie Hebdo, des efforts qu’ils déploient pour convaincre leurs interlocuteurs de partager leurs idées.

En dépit des regrets qu’ils ont exprimé – l’un et l’autre affirment qu’ils ne se reconnaissaient plus dans ceux qui apparaissent dans ces écoutes –, la procureure a demandé au tribunal de condamner Jawad Salih à sept ans de prison et de décerner contre lui un mandat de dépôt à l’audience, où il comparaît libre. Elle a neuf ans d’emprisonnement contre Hamza Mosli, en assortissant, dans les deux cas, ses demandes de peine de sûreté des deux tiers.