Mark Zuckerberg, juste avant le début de son audition au Sénat. / Pablo Martinez Monsivais / AP

« Le témoignage ennuyeux de Zuckerberg est une grande victoire pour Facebook » Le titre de TechCrunch, site d’information de référence sur les nouvelles technologies, résume bien l’état d’esprit de la presse spécialisée au lendemain de l’audition de Mark Zuckerberg devant le Sénat américain, mardi 10 avril.

Le patron de Facebook devait s’expliquer à la suite du scandale Cambridge Analytica, dans lequel les données de 87 millions d’utilisateurs du réseau social ont été aspirées par cette entreprise spécialisée dans l’influence politique, et proche de Donald Trump. Un grand oral aux enjeux historiques pour Facebook et pour son jeune dirigeant.

« Il a réussi à endormir le Sénat »

« Mark Zuckerberg a déroulé son script d’excuses, a redéballé sa liste de nouvelles mesures et a, globalement, réussi à endormir le Sénat. Et cela représente un succès pour Facebook. […] La moitié du temps, Zuckerberg a simplement paraphrasé des posts de blog et des déclarations qu’il avait déjà faites. L’autre moitié du temps, il a vaguement expliqué comment marchaient des fonctionnalités basiques de Facebook. »

Le journaliste Josh Constine, acide, semble déçu de n’avoir « rien appris de transcendant ». « Les réponses répétitives de Zuckerberg donnent l’impression qu’il ne reste pas grand-chose à creuser, que ce soit vrai ou non. » Et il finit en assénant : « Les sénateurs n’avaient pas fait leurs devoirs, mais Zuckerberg, si. »

Sur Recode, autre site spécialisé de référence, le journaliste Kurt Wagner abonde dans ce sens : « Je ne crois pas que quiconque ait regardé cela soit plus en colère contre Facebook après qu’avant l’audition. Et cela ressemble à une victoire. » Autre raison de se réjouir, selon lui, pour Facebook :

« Beaucoup de sénateurs ont dit qu’ils avaient hâte de travailler avec Zuckerberg sur toute réglementation qui pourrait être envisagée. Ce qui est une autre raison de voir la performance de Zuckerberg comme une victoire. Si les sénateurs veulent travailler avec Zuckerberg, et pas contre lui, c’est une bonne nouvelle pour Facebook. »

Un chroniqueur politique du Washington Post, Dana Milbank, estime toutefois que « le garçon milliardaire de Facebook a laissé les questions difficiles pour les adultes ». Il énumère les multiples questions auxquelles Mark Zuckerberg, expliquant qu’il n’avait pas les éléments précis en tête, s’est contenté de répondre : « Mon équipe reviendra vers vous sur ce sujet. »

« Zuckerberg est venu avec un message clé en main pour ceux qui veulent réglementer Facebook : “Faites-moi confiance.” […] Le problème, c’est qu’à chaque fois que les questions étaient dures, Zuckerberg a montré clairement qu’on ne pouvait pas lui faire confiance pour y apporter des réponses. »

Carton rouge pour les sénateurs

Le même Washington Post, tout comme le site Vox, a toutefois mis en évidence que, finalement, contrairement aux attentes, ce sont peut-être les sénateurs qui ont donné, ce mardi, une mauvaise performance.

« Ce n’est pas vraiment le comportement de Zuckerberg qui a retenu l’attention. […] Le plus notable, c’étaient les questions posées par les sénateurs, qui étaient, parfois, incohérentes ou confuses, sur des sujets de base », écrit Vox.

Comme lorsque le sénateur Orrin Hatch a demandé au patron de Facebook : « Comment faites-vous pour gagner de l’argent si les utilisateurs ne paient pas pour vos services ? » « Monsieur le sénateur, nous affichons des publicités », lui a répondu, Mark Zuckerberg, tentant poliment de cacher sa stupéfaction.

« Beaucoup de questions des parlementaires laissent entendre qu’ils en sont encore à essayer de comprendre les bases du fonctionnement de la plate-forme », déplore le média, soulignant que ceux-ci, avec leur moyenne d’âge de 62 ans, « ne sont pas vraiment des digital natives ». « Les sénateurs semblent d’accord sur l’idée qu’il faut réparer quelque chose chez Facebook. Ils n’ont juste aucune idée de quoi. » Or, souligne Vox, « si les parlementaires veulent réglementer Facebook, il faudra qu’ils soient sur la même longueur d’onde sur les problèmes qu’ils essaient de régler ». Même discours du côté du Washington Post : « Les membres du Congrès ne peuvent pas réglementer Facebook. Ils ne le comprennent pas. »

« Les données personnelles de Mark Zuckerberg dévoilées »

Quelques minutes après la fin de l’audition, une photographie faisait le tour des réseaux sociaux : celle des notes de Mark Zuckerberg, laissées malencontreusement ouvertes sur sa table, à portée des photographes, à l’issue des cinq heures d’interrogatoire. « Les propres données personnelles de Mark Zuckerberg dévoilées », titre avec malice, à ce sujet, le New York Times.

« Le jour où M. Zuckerberg affronte les questions des sénateurs sur la façon dont son entreprise a protégé les données de ses utilisateurs, il voit les siennes dévoilées. »

On y apprend notamment que Mark Zuckerberg avait anticipé d’éventuelles questions sur sa démission. Aucune n’a été posée à ce sujet. Et après la réussite du patron de Facebook dans l’exercice périlleux de ce face-à-face avec les sénateurs, la question semble s’éloigner un peu. Les députés, qui doivent le recevoir à leur tour mercredi après-midi à la Chambre des représentants, la lui poseront peut-être.