Valérie Rabault, députée Nouvelle Gauche de Tarn-et-Garonne, à l’Assemblée nationale, le 30 janvier. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

« Une coprésidence, c’est niet ! » Il ne faut pas trop chercher Valérie Rabault. Sinon, « vous me trouvez ! », lance la nouvelle présidente du groupe Nouvelle Gauche, qui reçoit dans un petit salon de la commission des finances de l’Assemblée nationale, où elle a son rond de serviette depuis 2012. Mercredi 11 avril, la députée de Tarn-et-Garonne a été élue avec 21 voix face à Guillaume Garot, ancien ministre délégué à l’Agroalimentaire et député de la Mayenne qui a obtenu 7 voix. Le député Boris Vallaud s’était finalement retiré de la course mercredi matin.

Première à se déclarer candidate la semaine dernière, la spécialiste des finances publiques n’a que peu apprécié la proposition de Joël Aviragnet de monter une « coprésidence » pour éviter de la départager avec Boris Vallaud, autre candidat proche d’Olivier Faure.

« A chaque fois qu’une femme se présente quelque part, on lui propose un strapontin ou une coprésidence. Ça suffit à la fin ! », lance celle qui a été élue au Palais-Bourbon pour la première fois en 2012, à 39 ans.

Dotée d’un long CV, cette ingénieure de formation, diplômée de l’Ecole des ponts et chaussées après une prépa scientifique au prestigieux lycée parisien Louis-le-Grand, a commencé sa carrière dans le privé. Une expérience qui la marque.

« Je ne l’oublierai jamais. Quand vous devez faire une “conf call” avec la Fed [banque centrale américaine] le 14 septembre 2008 [veille de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers], et qu’ils annulent, vous vous dites, il se passe quelque chose. On avait à cœur de sauver des emplois », se souvient la banquière socialiste, qui a pris six mois de congé sabbatique en 2011 pour mener campagne dans le Sud-Ouest de la France.

« Le PS n’a pas changé »

Rapporteuse générale du budget de 2014 à 2017, sous le quinquennat de François Hollande, elle n’hésite pas à utiliser tous les pouvoirs que ce poste lui offre. Comme en juin 2014, où elle va « saisir sur pièces et sur place » des documents sur la suppression de la demi-part des veuves, votée sous Nicolas Sarkozy, mais qui allait entrer progressivement en application sous François Hollande. « La directrice du Trésor était blême ! », sourit la députée, qui obtiendra finalement les documents demandés. Plusieurs fois appelée pour entrer au gouvernement de Manuel Valls comme secrétaire d’Etat à Bercy, elle refuse.

« Je voulais choisir mon directeur de cabinet. Ils n’ont pas voulu. Je ne voulais pas être ministre et ne rien décider », affirme-t-elle aujourd’hui, très déterminée.

« C’est une femme exigeante par rapport aux autres et à elle-même. Elle a tendance à faire passer ses convictions avant toute transaction, alors que parfois en politique, il faut savoir un peu négocier » estime Eric Woerth, ancien ministre du budget aujourd’hui président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Cette année, Valérie Rabault a bien failli se présenter au congrès du PS, comme elle l’avait fait en 2015 avec sa motion « La Fabrique », située entre les frondeurs et les légitimistes. Elle a finalement soutenu la candidature de M. Faure. « J’avais les voix nécessaires pour y aller », raconte celle qui nie tout « deal » avec le nouveau premier secrétaire, en échange de son soutien. « Le PS n’a pas changé, c’est évident qu’il y a eu un accord entre eux », assure pourtant un député du groupe Nouvelle Gauche.

Premiers contacts plutôt musclés

La voilà donc à la tête d’un groupe de 31 députés, dont trois apparentés. « Je continuerai à déposer des amendements en séance publique », promet la quadragénaire, qui vante « le combat politique » et refuse le qualificatif de « techno ». « L’économie, si on en fait de manière non techno, c’est la vraie vie. Ça peut être un vrai levier politique », assure-t-elle.

Et de rappeler ses premiers contacts plutôt musclés avec la députée Amélie de Montchalin. Comme cette nuit d’octobre 2017 lorsque, après plus de dix-sept heures de débats sur le budget, elle s’emporte contre la trentenaire fraîchement propulsée chef de file des députés La République en marche (LRM) à la commission des finances de l’Assemblée. « Il faut arrêter de raconter n’importe quoi, là ! Faire peur aux Français, c’est peut-être une stratégie, mais vous racontez des choses fausses », tonne-t-elle, rompant avec l’atmosphère d’ordinaire feutrée de cette assemblée très technique. Mme de Montchalin avait osé lancer que les nouveaux plans d’épargne logement, que le gouvernement voulait davantage taxer, pouvaient être assimilés à des « produits toxiques », expression héritée de la crise financière.

Aujourd’hui, les relations entre l’ancien et le nouveau monde semblent pacifiées. « Je ne partage pas ses idées, mais je m’entends bien avec elle », jure Valérie Rabault, qui soutient la proposition de la porte-parole LRM de créer un office budgétaire pour avoir accès aux données chiffrées souvent bien gardées à Bercy. « Les administrateurs de l’Assemblée ne savent pas faire un tableau Excel », déplore la nouvelle présidente de groupe, pour qui les chiffres n’ont aucun secret.

Avoir des rôles aussi importants que les hommes

Elle se plaît à raconter qu’elle est « la première femme présidente de groupe », oubliant un peu vite Cécile Duflot en 2015 – qui était coprésidente avec Barbara Pompili – et se bat pour que les femmes de l’Assemblée puissent avoir des rôles aussi importants que les hommes, même quand elles ne sont pas de son camp. « Je soutiens Olivia Grégoire pour qu’elle soit rapporteuse de la loi Pacte plutôt que Roland Lescure. C’est elle qui a fait tout le travail préparatoire ! », fait-elle valoir. Elle l’a dit par écrit à Richard Ferrand, le président du groupe LRM de l’Assemblée… sans jamais recevoir de réponse.

Elle cite souvent le film Numéro Une de Tonie Marshall, qui raconte la difficulté des femmes dans les sphères de pouvoir. « Je me suis reconnue. Il n’y a rien à enlever », estime-t-elle, expliquant ne plus compter les réflexions désobligeantes dont elle a été objet ou témoin dans l’arène politique. « C’est subtil, jamais dit comme tel, mais on vous fait comprendre que les sujets économiques, c’est trop sérieux pour les femmes. C’est comme dans le privé : il ne faut pas montrer qu’on est meilleures que les hommes. » Cette fois, elle a réussi à démontrer le contraire.