Devant le siège de la Commission européenne, à Bruxelles, le 12 mars. / Yves Herman / REUTERS

Après trois ans de controverses sur la sûreté du glyphosate, la Commission européenne veut redorer le blason du système de sécurité sanitaire de l’Union. Elle a présenté, mercredi 11 avril, son plan de réforme de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), régulièrement critiquée par les organisations non gouvernementales et les parlementaires européens pour son manque de transparence et sa proximité avec les industriels qu’elle régule.

Les propositions de réforme sont la réponse de Bruxelles à une Initiative citoyenne européenne lancée début 2017 par un collectif d’ONG, demandant l’interdiction du glyphosate et une refonte des procédures d’homologation des pesticides en Europe : l’initiative ayant rassemblé plus d’un million de signatures, la Commission était légalement tenue d’y apporter une réponse.

Le point saillant de la réforme proposée par Bruxelles garantit une transparence accrue. Celle-ci prévoit en effet la publication des données générées par les études industrielles fournies à l’appui des demandes d’homologation. Aujourd’hui, une société souhaitant mettre sur le marché un nouveau produit phytosanitaire, par exemple, doit fournir à l’EFSA des études réglementaires répondant à un certain cahier des charges, et évaluant la toxicité de sa molécule. Mais les données brutes de ces études demeurent confidentielles et ne peuvent pas être examinées par des scientifiques indépendants, des ONG, des sociétés savantes, etc.

L’agence pourrait voir son budget augmenter de 75 %

La proposition de la Commission « donnera un meilleur accès aux informations scientifiques soumises à l’EFSA », explique-t-on à Bruxelles. En outre, l’exécutif européen souhaite que des études supplémentaires puissent être conduites par les autorités sanitaires en cas de doutes et veut associer plus étroitement les Etats membres dans l’évaluation des substances entrant dans la chaîne alimentaire.

« Plus de transparence est évidemment appréciable, mais le diable est dans les détails, commente Martin Pigeon, chercheur à Corporate Europe Observatory (CEO), l’une des ONG à l’origine de l’Initiative citoyenne. Mais on ne sait pas encore précisément comment ces données pourront, ou ne pourront pas, être utilisées à des fins de réanalyse. On ignore notamment si les chercheurs qui voudront réanalyser les données seront soumis à l’autorisation des industriels, qui en demeurent les propriétaires. »

La réforme voulue par Bruxelles inclut également la création d’un registre des études conduites par l’industrie. Ce registre devrait permettre d’éviter que seuls les tests fournissant des résultats favorables ou rassurants soient in fine soumis aux autorités : toutes les études conduites devraient en effet être inscrites à ce registre. Un modèle inspiré de la réglementation en vigueur pour les études cliniques préalables à la mise sur le marché des médicaments.

« Pas les moyens de ses ambitions »

« Ce texte va dans le sens du combat que nous menons depuis plus d’un an maintenant et devra jeter les bases de nouvelles pratiques garantissant transparence et indépendance du processus décisionnel de l’Union », estime l’eurodéputé Eric Andrieu (groupe social-démocrate), président de la commission spéciale sur le système d’autorisation des pesticides en Europe. M. Andrieu rappelle que l’EFSA ne dispose que d’un budget de 80 millions d’euros par an, très inférieur à celui de son homologue américaine, et « n’a pas les moyens de ses ambitions ». La proposition de la Commission prévoit aussi une hausse considérable du budget de l’EFSA. L’agence basée à Parme (Italie) pourrait voir son budget augmenter de 62,5 millions d’euros, soit une hausse de 75 %.

Pour Greenpeace, une autre des ONG ayant porté l’initiative citoyenne qui a conduit à ce projet de réforme, celui-ci n’est pas suffisant. « La Commission n’a répondu qu’à un petit nombre de nos demandes, dit Franziska Achterberg. Par exemple, les tests réglementaires demeurent conduits par les industriels eux-mêmes, dans des conditions évidentes de conflits d’intérêts. Ce que nous voulons est que ces tests soient commandités par les pouvoirs publics. » M. Andrieu formule les mêmes réserves. « Ce texte ne règle pas tous les problèmes, à commencer par celui de l’objectivité des études de l’industrie, précise-t-il dans un communiqué. Les firmes gardent la mainmise sur les tests réalisés sur leurs propres produits. »