Emmanuel Macron arrive à Berd'huis,jeudi 12 avril. / GONZALO FUENTES / REUTERS

C’est peu dire que sa prise de parole était attendue. Emmanuel Macron s’est exprimé, jeudi 12 avril, au cours du journal télévisé de 13 heures de TF1, délocalisé pour l’occasion dans le village normand de Berd’huis. Syrie, réforme de la SNCF, hôpitaux en crise, CSG… Le chef de l’Etat a fait le point sur les différents dossiers qui agitent la France.

  • Syrie, « la preuve » des armes chimiques

Le président de la République a fait savoir que « nous avons la preuve que la semaine dernière des armes chimiques ont été utilisés, par le régime de Bachar Al-Assad », dans le quartier de la Douma, qui est retombé entièrement aux mois de l’armée syrienne jeudi 12 avril. Pour autant, Emmanuel Macron a fait savoir que la France n’avait pas encore décidé d’une éventuelle réaction à cette attaque. « Nous aurons des décisions à prendre en temps voulu », a dit le président de la République, assurant qu’il faut « tout faire pour qu’il y ait des cessez-le-feu ».

Le chef de l’Etat a également dit avoir appelé « à plusieurs reprises » le président russe, Vladimir Poutine, allié de Bachar Al-Assad. « En aucun la France ne laissera une escalade se faire, ou quoi que soit qui puisse endommager la stabilité de la région », a-t-il encore dit.

  • SNCF : « Nous devons faire cette réforme »

Interrogé sur la grève à la SNCF, Emmanuel Macron s’est exprimé pour la première fois sur la réforme menée par le gouvernement, estimant que « nous devons aller jusqu’au bout de cette réforme ». Ne pas le faire « serait une hypocrisie politique », a rappelé Emmanuel Macron, soulignant que l’ouverture à la concurrence était une exigence européenne. Le président de la République a toutefois garanti que la SNCF « sera une entreprise publique à capitaux publics ». « Ce sera dans la loi : 100 % de capitaux d’Etat », a-t-il martelé.

Emmanuel Macron a joué la carte de l’apaisement envers les cheminots, victimes selon lui de « fausses informations ». « Je n’ai pas de mépris, ce ne sont pas des privilégiés », a souligné celui qui a rappelé que son grand-père était lui-même cheminot. « Tous les cheminots qui sont aujourd’hui en emploi, ils resteront dans le statut, c’est un contrat. On ne leur demande pas d’effort mais juste d’accepter que les nouveaux on ne les prenne pas au statut », a rappelé le président. « N’ayez pas de craintes illégitimes », a lancé le président à l’intention des syndicats : « la SNCF restera publique, les cheminots resteront cheminots. »

Emmanuel Macron a rappelé que l’Etat prendrait sa part « des efforts », affirmant notamment que la dette de la SNCF « sera pour partie progressivement reprise ». L’Etat va aussi investir « 10 millions d’euros par jour pendant dix ans, pour entretenir les lignes. »

Emmanuel Macron n’a donc rien avancé de nouveau par rapport à ce qui a été dit par le gouvernement depuis un mois et demi et en particulier lors des dicussions en cours à l’Assemblée nationale. Ce discours n’a pour le moment pas convaincu les syndicats les plus réformistes, comme la CFDT-Cheminots ou l’UNSA-Ferroviaire. Ces derniers attendaient notamment une annonce précise sur la dette, et, plus encore, un signe sur le statut.

  • Pour l’hôpital, des mesures « cet été »

« Je veux vraiment rendre hommage à tous les personnels soignants, les médecins, les infirmières, les aides soignantes, celles qui travaillent dans les Ehpad. Ils vivent tous la mort au quotidien, nous leur devons quelque chose dans la société », a répondu Emmanuel Macron, interrogé sur sa capacité à entendre la détresse du personnel de la santé.

Le chef de l’Etat n’a pas donné beaucoup d’éléments nouveaux à ce sujet, promettant toutefois qu’il fera « à l’été » des annonces, pour mettre « plus de moyens dans l’hôpital ». Emmanuel Macron a toutefois estimé qu’il ne fallait « pas mettre de l’argent sur un système qui n’est plus adapté ». Le président a ainsi rappelé que le gouvernement « va essayer de mieux organiser les choses », avec notamment la mise en place « de maisons de santé, pour que tout le monde n’aille pas aux urgences parce que coûte plus cher à tout le monde. »

« Il faut un système où on ne paye pas à l’acte mais où on sera plutôt rémunéré au parcours de soins : être bien accompagné, inciter l’hôpital à une prise en charge rapide. »

Pendant la campagne, le candidat Macron avait promis de limiter à 50 % la part de financement des hôpitaux à la tarification à l’activité (T2A). La réflexion engagée au ministère de la santé devrait aboutir fin 2019.

Concernant le seul sujet des Ehpad, Emmanuel Macron a reconnu qu’il faut « une transformation profonde » du système d’accueil des personnes âgées. « On sera au rendez-vous », a-t-il promis.

  • La hausse de la CSG, un « besoin »

Après un reportage montrant des retraités déplorer la baisse de leur pouvoir d’achat, Emmanuel Macron a reconnu avoir « demandé un effort aux 60 % de personnes retraitées qui paient la CSG au taux normal ». « Cet effort je l’ai annoncé en campagne », a rappelé le président de la République, qui va bientôt célébrer sa première année d’élection.

« Je veux expliquer à tous nos retraités : il n’y a pas de souverain mépris, j’ai besoin de vous, je fais appel à vous », a dit Emmanuel Macron, qui leur a rappelé que « vous passez dix ou quinze ans de plus à la retraite que vos parents en moyenne ». Le chef de l’Etat a demandé aux retraités en colère de la « patience » : « Le 1er novembre, vous aurez un tiers de taxe d’habitation en mois. Et elle sera supprimée entièrement dans les trois ans. L’un dans l’autre, sur le pouvoir d’achat, vous allez vous y retrouver. » « Si on ne fait pas cet effort dans cinq ou dix ans on n’arrivera plus à financer notre système de retraite », a prévenu le président.

  • Suppression de la taxe d’habitation : « Je n’ai aucun regret »

Sur la suppression de la taxe d’habitation pour l’intégralité des foyers français, prévue pour après 2020, Emmanuel Macron n’a « aucun regret ». Il a martelé que « les économies de l’Etat serviront à compenser la [perte de] taxe d’habitation pour les communes, à l’euro près ».

Confronté au débat sur la redistribution des fruits de la croissance, et sur l’usage de la « cagnotte fiscale » – nom donné par l’opposition et une partie de la majorité au surplus de recettes fiscales enregistré l’an dernier compte tenu du dynamisme économique –, le président s’est montré ferme. Il a fermé la porte au rétablissement de la demi-part des veuves, pourtant réclamée sous condition de ressources par le député LRM Sacha Houlié, soutenu par une partie de la majorité. La suppression de ce dispositif avait été décidée sous Nicolas Sarkozy et mise en œuvre progressivement sous François Hollande.

  • Islamisme : « Nous fermerons les mosquées où les prêches ne sont pas conformes aux lois de la République »

Emmanuel Macron a été interrogé sur la manière dont le gouvernement entend lutter contre la radicalisation islamique, notamment dans certaines mosquées connues pour leurs prêches virulents. « Nous avons fait voter une loi à l’automne dernier qui prévoit explicitement la fermeture de ces lieux », a rappelé Emmanuel Macron, citant notamment des mosquées à Sartrouville, à Marseille, ou encore à Aix.

Le président a également promis des poursuites des responsables en vue d’une expulsion du territoire, ainsi que des « clarifications » des règles de fonctionnement et de financement, qui seront annoncées « dans les prochains mois ». « Je veux que le financement étranger soit organisé, transparent », a dit le chef de l’Etat. Des mesures qui doivent s’accompagne d’une « politique de retour des services publics dans les quartiers sensibles, de retour dans l’école, moins d’élèves par classe, lutter contre la discrimination à l’embauche, aider les jeunes de ces quartiers qui sont parfois discriminés à obtenir des CDI… La réponse, c’est ce tout. »

  • Ruralité : Un « sujet de démographie »

« Il n’y a pas de fatalité mais il y a une organisation à trouver sur tous les territoires », a répondu Emmanuel Macron aux critiques qui le voient comme le « président des villes », au détriment des régions rurales. « Il faut regarder les choses en face : on a un sujet de démographie », a reconnu Emmanuel Macron :

« A la rentrée prochaine, on aura 32 000 élèves en mois en CP et pourtant on va ouvrir près de 5 000 classes, dont 1 000 classes dans le rural. Alors que dans le rural, on va perdre 20 000 élèves de CP l’an prochain. »

Emmanuel Macron a notamment cité la Lozère, où « il y a en moyenne 14 élèves par enseignant ». « Ce n’est pas raisonnable », a dit le président, qui a appelé à trouver des « solutions locales », citant par exemple la construction d’« internats ruraux ».

La revalorisation de l’internat est l’un des combats de l’actuel ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer. Les internats, actuellement sous-occupés, sont selon lui un modèle pour l’égalité scolaire dans les zones rurales. Mais le ministre de l’éducation a également lancé un modèle « d’internat d’excellence » à Sourdun (Seine-et-Marne) quand il était recteur de Créteil. Destiné aux enfants issus de milieux modestes, ce modèle d’internat se veut attaché à des valeurs traditionnelles (usage de l’uniforme...).

  • Limitation vitesse à 80 km/h : « Si ce n’est pas efficace, on ne le garde pas »

« Notre sang s’est échauffé sur cette affaire », a répondu Emmanuel Macron aux critiques des automobilistes. « Les Françaises et les Français ça les ennuie toujours qu’on régule la route », a répété le président, rappelant notamment les mesures impopulaires prises par Jacques Chirac par le passé.

« Il y a des petites expérimentations qui ont été faites et à chaque fois elles ont montré que c’était efficace », a affirmé Emmanuel Macron, promettant « une expérimentation à taille réelle au 1er juillet pour deux ans ».

« Je prends ici deux engagements : durant ces deux ans, l’argent qui sera perçu on le mettra pour les hôpitaux qui soignent les blessés de la route. On rendra transparents tous les résultats. Si ce n’est pas efficace, on ne le gardera pas. »
  • Notre-Dame-des-Landes : « L’ordre républicain sera rétabli »

« Ca n’existe pas que le premier ministre et le président de la République soient en désaccord », a affirmé Emmanuel Macron, malgré les précédents historiques. « L’ordre républicain sera rétabli », a répété le chef de l’Etat, fustigeant les gens qui « créent du trouble ». « Ils occupent illégalement des territoires publics. Ils n’ont plus de raison de le faire car il n’y aura pas d’aéroport », a rappelé le président.