Des habitants du PK5, quartier de Bangui à majorité musulmane, le 11 avril, devant le quartier général de la Minusca, où ils ont déposé les cadavres de dix-sept personnes tuées selon eux dans les violences de la veille. / FLORENT VERGNES / AFP

Des « bandits ont pris la population en otage » dans le quartier majoritairement musulman du PK5 à Bangui, a déclaré le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, mercredi 11 avril, alors que les tensions se sont accrues dans les provinces contrôlées par les groupes armés issus de l’ex-rébellion musulmane de la Séléka.

Mardi, des affrontements opposant une patrouille composée de soldats de la mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) et centrafricains à des milices du quartier du PK5 ont fait au moins dix-neuf morts, dont un casque bleu, et une centaine de blessés.

C’est la première fois qu’une telle flambée de violences s’empare de la capitale depuis l’élection de Faustin-Archange Touadéra, en 2016. Elle intervient alors que la Minusca et les forces de sécurité centrafricaines ont lancé dimanche une opération militaire contre les groupes armés du PK5. « Cette opération avait pour seul objectif d’appréhender les responsables [des milices]. Ce n’est pas contre une communauté ou contre la population » du quartier, a assuré M. Touadéra.

« Créer l’amalgame »

La majorité des musulmans de Bangui vivent confinés dans le PK5 depuis que le président Michel Djotodia – qui, à la tête de la Séléka, avait renversé François Bozizé par la force en 2013 – a été chassé du pouvoir en 2014 dans la foulée d’une intervention militaire internationale.

Depuis l’élection de Faustin-Archange Touadéra, soutenue par l’ONU et la France, les groupes armés issus de l’ex-Séléka ne cessent d’accuser le pouvoir de connivence avec les milices anti-balaka qui les ont combattus.

L’opération militaire dans le quartier du PK5 « n’est pas une question de religion. C’est une question de maintien [de l’]ordre et de sécurité. D’aucuns ont [cherché à] créer l’amalgame en voulant transformer ceci en une situation confessionnelle. C’est faux », a martelé le chef de l’Etat.

Mercredi matin, des centaines d’habitants du PK5 ont marché jusqu’au quartier général de la Minusca, en centre-ville, pour y déposer les cadavres de dix-sept hommes. « Le président Touadéra, quand il était en campagne, nous a promis de ne pas toucher un seul cheveu d’un sujet musulman si nous votions pour lui, ce que nous avons fait. Voilà le résultat », a déploré Ryad, l’un des manifestants.

Après que le groupe armé du chef « Force » avait distribué en début de semaine des tracts se prévalant du soutien de Paris, l’ambassade de France à Bangui a démenti « formellement tout soutien » au dirigeant de cette milice du PK5.

Depuis plusieurs mois, ce quartier, poumon économique de la capitale centrafricaine, est le théâtre de violences meurtrières. Des commerçants qui y sont installés avaient arrêté en début d’année de payer les milices pour protester contre leurs brutalités, qui se sont poursuivies.

La Centrafrique est embourbée dans un conflit meurtrier depuis 2013. Les milices tiennent de larges zones du pays et s’affrontent notamment pour le contrôle des ressources naturelles. L’Etat n’a, lui, d’autorité que sur une petite partie du territoire. La capitale, Bangui, avait été jusque-là relativement épargnée par les combats entre l’ONU et les groupes armés.

Journées de deuil

« Aux populations de Bangui, nous lançons un appel au calme », ont conjointement déclaré mercredi le chef du département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, et le commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA), Smaïl Chergui. Ces deux responsables sont arrivés mardi à Bangui pour une visite conjointe.

L’organisation panafricaine promeut une feuille de route pour la paix en Centrafrique ; dans ce cadre, un panel de facilitateurs a rencontré ces dernières semaines une quinzaine de milices. Depuis dimanche, plusieurs de ces mouvements issus de l’ex-Séléka ont réagi à l’opération militaire menée au PK5.

« Cette situation risque de compromettre le processus de paix » de l’UA, a ainsi déclaré dans un communiqué le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC). Ce groupe armé et une autre milice également issue de l’ex-Séléka, le Mouvement pour la paix en Centrafrique (MPC), ont décrété des journées « villes mortes » de deuil à Bria (est), N’Délé (nord-est) et Kaga-Bandoro (nord-est), après les violences du PK5.

Selon un cadre du FPRC, « à Bria et N’Délé nos éléments sont en alerte maximale ». Des barricades ont été érigées sur certains axes de ces deux localités et de Kaga-Bandoro, selon une source onusienne.

Les vols de la Minusca et humanitaires vers Bria, Bambari, Birao et N’Délé ont été annulés mercredi « pour cause d’insécurité », a indiqué à l’AFP une source aéroportuaire à Bangui.