Des étudiants du Cameroun, des Comores, de Djibouti, du Gabon, du Liban, du Maroc, du Tchad et de France en formation à l’Ecole nationale d’administration en 2013. / PATRICK KOVARIK / AFP

Premier pays d’accueil non anglophone pour les étudiants étrangers et quatrième destination mondiale selon l’Unesco, la France a enregistré des résultats encourageants pour l’année universitaire 2016-2017. Selon les derniers chiffres de Campus France, l’Agence française pour la promotion de l’enseignement supérieur, l’accueil et la mobilité internationale, publiés jeudi 12 avril, le nombre d’étudiants étrangers a progressé de 4,6 %, la plus forte hausse annuelle depuis cinq ans, pour atteindre 323 933 personnes.

Ce rebond est bienvenu car la mobilité diplômante continue à progresser rapidement dans le monde (+ 6,2 % l’an dernier selon Campus France), et la France a perdu du terrain continuellement depuis dix ans. Pourtant, les étudiants français sont de plus en plus nombreux à partir à l’étranger (plus de 80 000 pour l’année universitaire 2015-2016, soit une hausse de 41 % en cinq ans), et forment par exemple le premier contingent des départs par le programme européen Erasmus.

Selon les chiffres de Campus France, la majorité des étudiants étrangers sont des étudiantes (52,4 % en 2016-2017). Elles sont inscrites davantage que leurs consœurs françaises dans des filières de sciences fondamentales (un tiers y étudient, contre un quart des Françaises).

Le Maroc reste en tête des pays d’origine de ceux qui choisissent de venir étudier en France, devant la Chine, la Tunisie, l’Algérie et l’Italie. Même si 71 % des étudiants étrangers ont opté pour l’université en 2016-2017 (soit 231 120 personnes, en hausse de 5,1 % en cinq ans), les plus fortes progressions sont affichées par les grandes écoles, notamment celles de commerce qui ont recruté plus de 5 000 élèves supplémentaires, soit une hausse de 23,7 %.

Talonnée par l’Allemagne, la France est encore la quatrième destination mondiale pour les étudiants en mobilité internationale (derrière les Etats-Unis, le Royaume Uni et l’Australie), sur l’année universitaire 2015-2016, selon des chiffres de l’Unesco, qui ne prend en compte que la mobilité « diplômante » (hors Erasmus par exemple). Elle comptabilisait 239 000 étudiants étrangers en France en 2015-2016 (contre 228 800 outre-Rhin, et 226 400 en Russie).

La part de la France dans la mobilité étudiante mondiale n’a cessé de baisser (de 9,3 % à 6,7 % entre 2005 et 2015). Pour Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France, l’inflexion montrée par les derniers chiffres pourrait se confirmer :

« La France a mis énormément de temps à sortir de la circulaire Guéant. En restreignant la délivrance d’autorisations provisoire de séjour (APS), qui permettaient à un diplômé de travailler, cette circulaire a eu un impact bien au-delà des personnes concernées, en envoyant un signal négatif sur l’accueil en France. La tendance s’est maintenant inversée. Et les signaux envoyés par Emmanuel Macron depuis un an vont amplifier le mouvement. La France a la capacité de retrouver sa place de troisième destination mondiale pour la mobilité internationale diplômante. »

Elle souligne ainsi l’effet des différentes mesures annoncés ces derniers mois :

« Qu’il s’agisse des campagnes Choose France ou Make our planet great again, de la proposition faite à la Sorbonne de créer des parcours universitaires européens, des mesures pour la langue française ou de l’objectif de multiplier par deux le nombre d’étudiants venus des pays émergents en France, ou encore l’augmentation du nombre des visas de circulation pour les étudiants africains diplômés en France annoncée à Ouagadougou, je ressens que les messages positifs répétés depuis un an ont de l’écho ».

A l’université, les étudiants étrangers étudient globalement dans les mêmes filières que leurs collègues français même s’ils sont un peu plus nombreux en sciences économiques et surtout moins présents en santé (8 % au lieu de 14 %).

L’enjeu de la médecine

Dans cette filière, de nettes améliorations sont possibles, selon Mme Kaiat : « A l’université, l’attractivité de la médecine pour les étudiants étrangers est en baisse alors que nous avons un système de santé de qualité et que la formation des “french doctors” était encore récemment renommée. Il existe une énorme demande et nous l’avons perdue depuis 2010 en raison de changements réglementaires qui restreignent la pratique médicale dans le cadre de diplômes universitaires. Par ailleurs, le nombre de diplômes de formations médicales spécialisée proposées aux médecins étrangers a fortement diminué. »

Autre point d’attention : la baisse du nombre de doctorants (– 7,5 % en cinq ans) que Campus France attribue notamment à l’effet de la réduction de la durée moyenne des thèses mais qui accompagne aussi le recul global des inscriptions en doctorat à l’université. La France compte encore 23 949 doctorants étrangers, soit 41 % des jeunes chercheurs et la quatrième position mondiale en termes d’ouverture (devants les Etats-Unis : 32 % et l’Allemagne : 23,1 %).

Parmi les relais de croissance de la destination France figurent, par ailleurs, la mise en avant – plus affirmée récemment – des formations professionnalisantes comme les lycées agricoles, adaptées à la demande des pays émergents.

Une « politique d’influence »

Le nombre de jeunes en « mobilité étudiante » (4,6 millions de personnes dans le monde) a progressé de 60 % en dix ans, et pourrait atteindre 9 millions en 2025 selon l’Unesco. Mais à peine 2,2 % de la population étudiante dans le monde étudient à l’étranger. Une population très convoitée. « Les pays qui progressent le plus fortement sont des “nouveaux entrants” de l’enseignement supérieur international, et qui s’engagent dans une politique d’influence, souligne Mme Khaiat. Ainsi, les plus fortes progressions dans l’accueil des étudiants étrangers concernent la Russie, dont l’écart avec l’Allemagne est désormais très faible, les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Turquie, la Chine, ou, plus loin dans le classement, l’Iran ou le Ghana. »

Avec sa stratégie dite du « rêve chinois », mise en œuvre par le président, Xi Jinping, l’empire du Milieu entend même devenir la deuxième destination d’accueil derrière les Etats-Unis d’ici à 2025. La compétition n’est pas terminée.