Documentaire sur Canal+ à la demande

Damon Lindelof, créateur de « Lost », lors d’un festival à Hollywood en 2017. / JOE SCARNICI/AFP

Derrière le titre de ce documentaire en forme de jeu de mots (simple comme bonjour, mais il fallait y penser) se trouve une évocation, très documentée et qui abonde en témoignages nombreux, de l’épineuse et sensible problématique de la fin des séries télévisées. Fins de séries (2016), ­signé de notre confrère Olivier Joyard, est rediffusé par Canal+ à l’occasion de Canneseries, le ­festival international qui se tient, jusqu’au 11 avril, sur la Croisette.

On se souvient du noir terrible sur lequel s’achève Les Soprano, sans qu’on sache ce qu’il advient de son héros menacé de toutes parts… Beaucoup de téléspectateurs en témoignent, dont deux Italo-Américaines, assises à la ­table de restaurant où fut tournée cette scène finale, qui ont pensé que leur téléviseur était tombé en panne au moment fatidique…

Arrêts forcés

On se souvient tout autant de l’épisode surréaliste clôturant Lost, qui valut à son auteur, Damon Lindelof, la violente vindicte des fans sur Twitter (celle-ci l’entraînera vers une dépression) ; ou de celui, tourné comme une spirale inéluctable en temps accéléré, qui enterrait les uns après les autres les personnages de Six Feet Under… On a tous en nous un deuil sériel : une fin choquante, comme les trois déjà citées, celle de Dexter, qui déstabilisa ses aficionados, ou encore l’épisode final de Friends, qui montrait l’appartement déserté des célèbres colocataires. Entre autres nombreux souvenirs.

Sans oublier les arrêts forcés, voire brutaux, de certaines séries, qui constituent une mort d’autant plus choquante qu’elle n’est pas programmée. Au point que certains spectateurs décident de ne pas regarder la fin d’une série aimée afin de pouvoir laisser libre le champ des possibles de leur imagination. Pour autant, « envisager comment se termine une série, deux, trois ou dix ans plus tard, n’est pas un service que vous vous rendez : cela rend les choses trop ­rigides », affirme Vince Gilligan, le créateur de Breaking Bad.

Scénarios alternatifs

Parfois, une fin apparemment décalée s’explique pourtant par ce qui a précédé, comme le rappelle Damon Lindelof pour celle de Lost, qualifiée par Olivier Joyard d’« objet narratif mutant aux ramifications infinies ». Selon Lindelof, cette fin tant décriée était néanmoins une conclusion logique à une « sixième saison qui était devenue une méditation sur l’au-delà… » Sériephiles, essayistes, psychanalystes, auteurs, jeunes fans (dont les interjections régulières, « Attention, spoiler ! », sont hilarantes) et créateurs témoignent du rapport, parfois obsessionnel, entretenu par le public et les auteurs avec les séries et leurs personnages. On voit même deux acteurs dire leur insatisfaction : Dana Delany au sujet de l’épisode final de Desperate Housewives, et Richard Schiff à propos de l’évolution de son personnage dans A la Maison Blanche, après le départ du showrunner (créateur-producteur) Aaron Sorkin. Au point que Schiff refusera de participer au dernier épisode…

Une seule scène semble de trop, ou ajoutée pour faire symboliquement honneur à la création française, qui serait sinon absente du panorama tracé : celle avec l’actrice Hélène Fillières, pour Mafiosa. Sinon, le propos de Fin de séries est passionnant et sa ­réalisation habile et vive.

Sont également évoquées ­certaines fins alternatives imaginées pour des séries fameuses, telle celle de Dexter qu’avait ­prévue Clyde Phillips, scénariste ayant quitté la série au bout de quatre ans. Mais on n’en « divulgâchera » (« spoiler », au Québec) rien.

Fins de séries, d’Olivier Joyard (Fr., 2016, 65 min). Canal+ à la demande, jusqu’au 18 avril.