Emmanuel Macron, à son arrivée dans la classe de l’école de Berd’huis (Orne), pour son entretien sur TF1, le 12 avril. / POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». Il existe trois sortes de professeurs. Les uns peinent à se faire entendre et désespèrent de leurs élèves, quand ils ne sont pas chahutés ; François Hollande avait connu ce genre de situation. Les autres, bienveillants jusqu’à l’indolence, sont prêts à adapter leur enseignement aux difficultés de leur classe ; en son temps, Jacques Chirac fut de ceux-là. Les troisièmes enfin, campés sur leur magistère, mettent un point d’honneur à « faire tout le programme », quoi qu’il en coûte d’efforts ou de découragement. Emmanuel Macron, à l’évidence, se range dans cette troisième catégorie.

Il en a fait la démonstration, jeudi 12 avril, dans la salle de classe de l’école pimpante de Berd’huis, au cœur de la Normandie, où l’accueillait l’œcuménique journal télévisé de la mi-journée de TF1 et son inusable présentateur, Jean-Pierre Pernaut. Le chef de l’Etat n’ignore aucun des griefs qui lui sont faits. Depuis son élection, l’étiquette de président des riches et des villes lui colle à la peau. Depuis des mois, ses certitudes, voire son contentement de soi, lui sont sans cesse renvoyées à la figure, à droite ou à gauche, comme la preuve de son ignorance des réalités ou de son indifférence aux petites gens. Depuis des semaines, les cheminots de la SNCF, les fonctionnaires ou les étudiants en colère lui reprochent des réformes qu’ils jugent précipitées et injustes.

Ni trop « techno » ni trop « intello »

Une heure durant, le professeur Macron s’est donc employé à répondre à tous ses détracteurs. Il y a mis le ton, ni trop « techno » ni trop « intello », contrairement à son penchant naturel. Il y a mis la forme, plus familière et souriante qu’à l’accoutumée. Il y a ajouté quelques mots destinés à convaincre qu’il n’est pas seulement là pour « protéger » et « libérer », mais également pour « unir ». Bref, qu’il est bien le « président de tous les Français », attentif et « à l’écoute ».

Mais, sur le fond, la leçon était sans ambiguïté. Le programme a été fixé lors de l’élection présidentielle et, même si l’« on n’y était plus habitué », il sera tenu et réalisé « jusqu’au bout ». Et, puisque ce programme est nécessaire pour rebâtir la « maison France », il ne saurait être question d’en modifier les objectifs, le rythme et la méthode d’application. Tant pis pour ceux qui imaginaient que le président concéderait tel aménagement ou renoncerait à telle disposition pour calmer les inquiétudes ou les exaspérations.

Tout juste a-t-il expliqué qu’il n’était pas là pour « opposer les Français les uns aux autres », mais pour « faire avancer le pays » et lui permettre de s’adapter aux changements du monde. Qu’il s’agisse de la réforme de la SNCF, de celle des universités et de l’école, ou de tous les autres chantiers engagés, y compris la limitation de vitesse à 80km/h sur les routes, il convient donc de ne céder ni aux peurs « irrationnelles », ni aux craintes illégitimes,ni aux crispations excessives.

Enfin le chef de l’Etat a rappelé que la pédagogie supposait l’autorité du maître, en l’occurrence celle de l’Etat, contre les « professionnels du désordre », à l’œuvre – à ses yeux – à Notre-Dame-des-Landes ou dans quelques universités. Nul doute qu’il a répondu, sur ce point, à une aspiration croissante des Français.

Après cet aimable cours préparatoire de Berd’huis, le professeur Macron va maintenant devoir délivrer son discours de la méthode à une classe de lycéens plus aguerris. Ce sera dimanche, sur BFM et Mediapart, un exercice plus exigeant.