Claude K. arpente la zone, tête nue, à visage découvert, porteur d’un Gwen ha du, le drapeau de la Bretagne. / Pierre Bouvier / Le Monde

La ZAD (« zone à défendre ») de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) a vécu, jeudi 12 avril, une journée schizophrénique. Après quatre jours d’expulsions, d’affrontements et la destruction de vingt-neuf installations, Nicole Klein, la préfète des Pays-de-la-Loire, annonçait à Ouest-France la fin des opérations sur le site du projet abandonné d’aéroport et la reprise des négociations.

L’annonce formelle et officielle devrait avoir lieu vendredi 13 avril à Nantes. Le cabinet de la préfète précisait dans l’après-midi : « Les gendarmes restent sur site pour sécuriser les voies d’accès, dont la RD 281, et le déblaiement des squats expulsés. »

La préfète ne fait que reprendre peu ou prou les mots du président de la République, lors de son entretien au journal de 13 heures de TF1 : « L’opération est arrivée à un point où tout ce qui était évacuable a été évacué. Il y aura maintenant dans les prochains jours un travail sous l’autorité de la préfète qui consiste à permettre aux projets agricoles légaux organisés de se faire », a déclaré Emmanuel Macron.

Les propos d’Emmanuel Macron lancés aux gendarmes

Des propos qui ont été renvoyés aux gendarmes mobiles disposés le long de la D281, face aux manifestants rassemblés sur le lieu appelé les Vraies Rouges, survolé par un drone et un hélicoptère de la gendarmerie. Pour beaucoup, la journée de jeudi a été plus calme que celle de la veille : « Mercredi, ils ont cassé, jeudi, ils ont déblayé », relève un manifestant cagoulé. Quand un convoi de pelleteuse passe sur la D281, il est copieusement hué, ses chauffeurs traités de « collabos ».

Pourtant, le face à face a duré toute la journée, ponctué par des tirs de grenades lacrymogènes, mais pas seulement. Pendant les périodes de calme, les manifestants haranguent les gendarmes disposés en ligne dans le champ et surtout, ramassent les étuis de grenades, reprochant aux forces de l’ordre de polluer le site et de gaspiller l’argent du contribuable.

Les étuis sont entassés quelques dizaines de mètres en arrière, près des Fosses Noires, par « Maquis », 70 ans, qui évalue à 322 000 euros le coût des grenades lancées depuis le début de la semaine. Mais pas question d’approcher des gendarmes pour ramasser celles qui traînent à leurs pieds : ils se braquent lorsque les manifestants approchent à moins de 10 mètres.

Soutiens venus hors de la ZAD

Dans la matinée, les zadistes, ont été rejoints par d’autres manifestants, comme Jean-Claude K., 56 ans, officier de port à Saint-Nazaire. Il arpente la zone, tête nue, à visage découvert, porteur d’un Gwen ha du, le drapeau de la Bretagne.

« Je suis là parce que je suis choqué par la façon dont ça se passe depuis le début de la semaine. Cela pouvait se régler en quelques semaines, quelques mois. Le président Macron, il a dit qu’il allait faire autrement, mais là, on voit bien que rien n’a changé. Le discours sur les droits de l’homme, le vivre ensemble, c’est du baratin. »

Un groupe d’agriculteurs membres de Copains 44, un collectif de paysans contre l’aéroport, est arrivé avec 50 tracteurs pour protéger les zones de vie et de production. Mais vers 15 h 30, ils s’en retournent chez eux, à pied : « On doit aller chercher nos enfants à l’école. »

Le calme n’est qu’apparent : les plus têtes brûlées se réjouissaient en début d’après-midi de l’embuscade dans laquelle étaient tombés des gendarmes en milieu de journée. Selon le colonel Karine Lejeune, porte-parole de la Gendarmerie nationale, lors d’un affrontement, dix militaires ont été blessés, dont cinq touchés par de l’acide aux jambes et un blessé par de multiples éclats d’un engin explosif. Cinq d’entre-eux ont été évacués vers l’hôpital de Nantes.

Au bilan de la gendarmerie, les zadistes opposent le leur, partiel, établi par l’équipe médicale, faisant état de sept blessés, la plupart par les éclats des grenades.