Gare de Lyon à Paris, le 13 avril. / Christophe Ena / AP

L’infléchissement est sensible. Pour la cinquième journée de la grève en pointillé, lancée depuis le 3 avril et destiné à lutter contre le projet de réforme ferroviaire du gouvernement, le taux de grévistes – en baisse continue depuis le début du conflit –, connaît un nouveau recul.

Vendredi 13 avril, la direction de la SNCF a diffusé un taux (calculé en fin de matinée) de 22,5 % de grévistes, en baisse de 2,4 points par rapport au 9 avril et de 11,4 points par rapport à la première journée de grève dite « perlée ». Le taux de grévistes chez les personnels indispensables aux circulations (conducteurs, contrôleurs, aiguilleurs) et soumis à une déclaration individuelle d’intention obligatoire s’établit à 38 %. Il était de dix points supérieur au début de la grève.

Chez les conducteurs, pour la première fois, la baisse est sensible (66 % de gréviste vendredi, contre les trois-quarts à chaque journée d’action). Ce léger essoufflement s’est d’ailleurs vu dès dans les prévisions de trafic, lequel est un peu moins perturbé.

« Il est indéniable que le pays n’est pas bloqué »

« Il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives de cet effritement, mais il est réel, constate un acteur des négociations qui a souhaité garder l’anonymat. Cela ne signifie pas pour autant que l’adhésion à la réforme progresse chez les cheminots, mais il est indéniable que le pays n’est pas bloqué. Le plan de transport de substitution mis en place par la SNCF fonctionne sans retard ni annulation. Et un sondage récent indique que 71 % des voyageurs s’estiment bien informés pendant la grève. »

Une analyse que ne partage pas Florent Monteilhet, représentant des conducteurs pour le syndicat UNSA ferroviaire. « Le retour que nous avons aujourd’hui des assemblées générales montre un mouvement qui ne faiblit pas. Il n’y a aucune démobilisation chez les conducteurs, ils sont même galvanisés. »

Si certains syndicalistes signalent qu’il existe peut-être un effet week-end, d’autres voient dans l’amélioration légère des circulations une capacité de la direction à optimiser les non-grévistes. « N’oubliez pas que dans sa communication, la direction donne un chiffre à la mi-journée qui ne tient pas compte des équipes de l’après-midi, ajoute M. Monteilhet. Elle oublie aussi les grèves de 59 minutes qui peuvent être nombreuses au sein du personnel non-roulant. »

« Des avancées parfaitement insuffisantes »

De fait, même en recul, le mouvement reste à un haut niveau pour une cinquième journée (et même une sixième en ajoutant la journée d’action initiale du 22 mars).

Au-delà des chiffres, le mouvement des cheminots entre probablement dans une phase nouvelle. La discussion à l’Assemblée nationale est terminée. Un premier jet de la loi créant un « Nouveau pacte ferroviaire » est désormais écrit avant son passage devant le Sénat. Cela constitue une étape importante qui peut contribuer à un étiolement de la mobilisation. La ministre des transports a d’ailleurs écrit à l’UNSA et à la CFDT pour souligner que plusieurs amendements ont tenu compte des revendications cheminotes.

« Cela montre que le rapport de force fonctionne, en conclut Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT Cheminots. Il y a du positif – comme par exemple la primauté reconnue du volontariat en cas de transfert des personnels. Mais les avancées sont minuscules et parfaitement insuffisantes. Ce sont des prémisses de négociation. L’action des cheminots doit continuer. »

« Nous appelons à une négociation tripartite »

« Nous avons pris acte avec satisfaction des courriers de la ministre qui a tenu compte de certaines de nos attentes, reconnaît de son côté M. Monteilhet. Les sujets sont néanmoins limités. » L’UNSA, deuxième syndicat à la SNCF après la CGT, souhaite donner une inflexion nouvelle à la mobilisation. « Nous allons à notre tour écrire à la ministre, explique M. Monteihet. Nous lui demandons que ce nouveau pacte ferroviaire s’accompagne d’un nouveau pacte social du ferroviaire accordant des protections de haut niveau. »

« Nous appelons à une négociation tripartite entre les représentants des entreprises du secteur, le gouvernement et les organisations syndicales, afin de balayer tous les aspects sociaux, poursuit le syndicaliste. Cette négociation serait par nature supérieure à la négociation pour la convention collective de la branche qui est en cours. Elle aurait un agenda structuré et daté avec du contenu à négocier. » Une sorte de Grenelle du ferroviaire.