Militaires et dignitaires lors de la cérémonnie d’hommage à l’icône anti-apartheid  Winnie Madikizela-Mandela à Johannesburg, le 14 avril 2018. / GULSHAN KHAN / AFP

Cette cérémonie conclut dix jours de deuil national décrétés en souvenir de Winnie Madikizela-Mandela, celle que l’on surnommait le « roc », « la Mère de la nation », la « libératrice » ou l’« héroïne », morte le 2 avril, à 81 ans, des suites d’une longue maladie.

Escorté par des motards, le cercueil de « Mama Winnie », recouvert du drapeau sud-africain, a quitté samedi 14 avril au matin son domicile de Soweto, la banlieue pauvre de Johannesburg, à laquelle elle est restée fidèle toute sa vie.

20 000 personnes pour rendre hommage à « Winnie »

Arrivée au stade d’Orlando, à quelques kilomètres de là, la dépouille a été saluée par quelque vingt mille personnes en deuil qui, le poing levé, ont entonné à pleins poumons une chanson de la lutte « Il n’y a personne comme Winnie Mandela ».

« Mama s’est battue pour notre liberté. C’est essentiel de lui rendre hommage », a déclaré Mufunwa Muhadi, 31 ans, vêtue de noir et d’une coiffe colorée, la tenue choisie par de nombreuses Sud-Africaines pour rendre hommage à « Winnie ».

« Elle était une de nos meilleurs soldats. Elle s’est battue du début à la fin. Pars en paix, Maman. Tu as joué ton rôle », a salué un autre spectateur en deuil, Brian Magqaza, 53 ans.

Le cercueil de Winnie Madikizela-Mandela reçoit un salut lors de la cérémonie funéraire au stade d’Orlando, à Soweto, en Afrique du sud, le 14 avril 2018. / Themba Hadebe / AP

Pendant les vingt-sept années de détention de Nelson Mandela, son mari à l’époque, Winnie Madikizela-Mandela a entretenu la flamme de la résistance à l’apartheid, malgré les tortures, les humiliations et les séjours en prison. La photo du couple, main dans la main, à la libération de Nelson Mandela, en 1990, symbolise la victoire sur le régime raciste blanc, qui tombera officiellement quatre ans plus tard.

Leur couple, lui, ne survivra pas. Ils se séparèrent en 1992, deux ans avant l’accession à la présidence de la République d’Afrique du Sud du Prix Nobel de la paix, auréolé de toute la gloire.

« Je suis venue pour faire partie de l’histoire », a témoigné Beauty Tsakani Maluleke, éducatrice de 35 ans, qui a fait le voyage spécialement de la province du Limpopo (Nord). « Elle était notre grand-mère bien aimée. Elle s’est battue pour notre pays. » « Elle a combattu pendant que les hommes étaient derrière les barreaux », a résumé une de ses admiratrices, Gloria Mabasa, arborant un tatouage de « Winnie » sur une joue.

Une femme lors de la cérémonie d’hommage à Winnie Madikizela-Mandela au sein du stade d’Orlando, en Afrique du sud, le 14 avril 2018. / SIPHIWE SIBEKO / REUTERS

Plusieurs dirigeants étrangers, dont les chefs d’Etat congolais, Denis Sassou Nguesso, et namibien, Hage Geingob, étaient attendus à la cérémonie, où le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, devait prononcer l’éloge funèbre. Des personnalités, tel Jesse Jackson, militant emblématique des droits civiques aux Etats-Unis, ont aussi assisté aux obsèques. « Elle n’a jamais cessé de se battre », avait salué vendredi le pasteur, âgé de 76 ans.

« Mama n’était pas une personne parfaite »

L’image de Winnie Madikizela-Mandela a été écornée par des condamnations pour fraude, enlèvement et violences. L’ex-épouse de l’ancien président sud-africain a à plusieurs reprises été mise en cause, notamment pour des exactions commises par sa garde rapprochée, le « Mandela United Football Club », qui faisait régner la terreur à Soweto à la fin des années 1980. Près d’un quart de siècle après la fin officielle de l’apartheid, les motivations de ce groupe restent toujours mystérieuses. Selon un ancien policier blanc repenti, le régime l’avait infiltré. A l’époque, l’African National Congress (ANC, Congrès national africain), fer de lance de la lutte anti-apartheid, avait fait part de son inquiétude à Winnie Mandela, qui avait ignoré ses appels.

Cette semaine, le président Ramaphosa a demandé de ne pas « diaboliser » Winnie Madikizela-Mandela. « Mama n’était pas une personne parfaite », a concédé la ministre de la communication, Nomvula Mokonyane. « Beaucoup d’entre nous ont fait des choses bien, mais aussi des choses terribles pendant la lutte. Il ne faut jamais oublier le contexte », a-t-elle dit, estimant que la militante était critiquée « parce qu’elle était une femme ».

Après les funérailles officielles, l’égérie populaire doit être enterrée samedi après-midi dans le cimetière de Fourways, un quartier résidentiel de Johannesburg, au côté d’une de ses petites-filles morte en 2010.

Winnie Mandela, une icône de la lutte anti-apartheid
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