Lewis "Scooter" Libby, devant la cour de justice fédérale à Washington, le 6 mars 2007. / Jim Bourg / REUTERS

La rumeur courait depuis quelques jours. Le président américain Donald Trump a finalement gracié vendredi 13 avril Lewis « Scooter » Libby, un membre de l’administration Bush, condamné pour avoir menti à la police fédérale (FBI) en 2007. Une affaire née dans le sillage de la guerre en Irak lancée par George W. Bush.

En juillet 2003, la presse américaine révèle l’identité d’un agent de la CIA : Valerie Plame. Il ne s’agit pas de n’importe qui. Mme Plame est l’épouse de l’ancien ambassadeur Joseph Wilson, qui a accusé l’administration Bush d’avoir exagéré la menace irakienne et d’avoir menti sur les armes de destruction massive qu’aurait détenu Saddam Hussein.

Le nom de M. Libby apparaît dans la procédure judiciaire lancée à la suite de cette révélation. Soupçonné d’être à l’origine des fuites dans la presse, ce qui constituerait un crime fédéral, l’ancien chef de cabinet du vice-président Dick Cheney n’est cependant pas directement mis en cause, mais il est entendu comme témoin par les enquêteurs.

Il ment alors sur ses liens avec les médias, ce qui lui vaut d’être condamné pour parjure et obstruction à la justice, en juin 2007. Lewis Libby hérite d’une peine de deux ans et demi de prison et 250 000 dollars d’amende. Mais il est partiellement gracié par le président Bush, ce qui lui épargne la prison.

« J’ai entendu dire qu’il avait été traité de façon injuste »

Plus d’une décennie après, Donald Trump a donc décidé de tirer un trait sur cette histoire. Aux Etats-Unis, le pardon présidentiel existe en vertu de l’article 2 de la Constitution américaine.

« Je ne connais pas M. Libby, a expliqué le président dans un communiqué, mais depuis des années, j’ai entendu dire qu’il avait été traité de façon injuste. J’espère que cette grâce totale aidera à rectifier une partie très triste de sa vie. »

Dans son communiqué, M. Trump rappelle que Scooter Libby « a payé une amende de 250 000 dollars, fait 400 heures de travaux d’intérêt général et a passé deux ans en probation ».

En 2015, l’un des témoins clés de l’accusation s’était rétracté et, l’année suivante, M. Libby avait retrouvé son droit à exercer la profession d’avocat, a ajouté le président pour justifier sa décision.

Une décision entachée de soupçons

Mais le calendrier choisi par le président américain soulève une certaine suspicion. D’abord parce que l’entourage de M. Libby a toujours proclamé qu’il avait été victime d’une chasse aux sorcières. Une défense similaire à celle adoptée par Donald Trump, lui aussi visé par une enquête lancée par un procureur spécial, à propos de l’ingérence russe dans la campagne présidentielle.

Par ailleurs, James Comey, l’ancien patron du FBI qui vient de publier un livre très critique envers Donald Trump, a joué un rôle dans le procès qui s’est tenu contre M. Libby. Certains observateurs voient donc dans ce pardon une revanche prise par le président américain.

La décision a ainsi été largement critiquée par l’opposition. La cheffe des démocrates à la Chambre des représentants Nancy Pelosi s’est émue que « l’obstruction à la justice soit récompensée ».

« C’est la façon du président d’envoyer un message à tous ceux impliqués dans l’enquête russe : vous avez mon soutien et j’aurai le vôtre », a également dénoncé sur Twitter le démocrate Adam Schiff, membre de la commission du renseignement de la Chambre.

La porte-parole de la Maison Blanche Sarah Sanders a démenti que cette grâce était « une sorte de signal au sujet de l’enquête de M. Mueller ». « Une chose n’a rien à voir avec l’autre », a-t-elle martelé.

M. Trump avait déjà provoqué une polémique en août 2017 en graciant l’ancien shérif Joe Arpaio, condamné pour ses méthodes policières discriminatoires envers les immigrés clandestins.