Au sixième jour des opérations de déblaiement et malgré l’arrêt officiel des expulsions et la « main tendue » du premier ministre Edouard Philippe, la tension était loin d’être retombée dans la « zone à défendre » (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, samedi 14 avril, laissant présager un week-end agité. Deux manifestations « contre la politique antisociale d’Emmanuel Macron et contre les expulsions » sont prévues samedi à Nantes, et un appel au rassemblement dimanche le long du chemin de Suez, dans la ZAD, a été lancé.

Dans la matinée de samedi, le ton semblait donné avec de nouveaux tirs de grenades lacrymogènes dans deux endroits de la ZAD, à l’occasion d’une incursion des gendarmes. La veille, déjà, sur la D81, l’un des deux axes traversant la zone du nord vers le sud, un blindé de la gendarmerie s’était enlisé, lors d’une opération coup de poing. Il avait été dégagé après un barrage de grenades lacrymogènes.

Un drone pour surveiller la ZAD

La carte de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, avec les principales installations. / https://zad.nadir.org/spip.php?article5382

Mais dans l’après-midi, l’accès à la D281, la route des chicanes, était « libre ». Il était possible d’y marcher, à condition de montrer patte blanche et de justifier de sa qualité. Tous les 300 mètres était garé un fourgon de gendarmes mobiles, son équipage observant le « front » − le côté des zadistes – et les arrières, en cas d’une hypothétique attaque à revers ou pour couper le ravitaillement aux zadistes, selon les gendarmes.

Au loin, un hélicoptère survolait la zone, en altitude. A proximité des points chauds que sont les secteurs appelés les Vraies Rouges, Lama Sacré et Youpi Youpi, les gendarmes utilisaient un drone pour épier les moindres gestes des zadistes. « Vous entendez, ils creusent des tranchées », affirmaient-ils. Même si, ont-ils admis, la journée de vendredi a été « calme ».

Les gendarmes sont dispensés de manifestation à Nantes – « en zone urbaine, ce seront les CRS », affirme un gradé de la gendarmerie. Mais ils savent qu’ils resteront sur la ZAD pour quelque temps encore, pour surveiller le déblaiement des parcelles, garantir la circulation sur les départementales 281 et 81 et prévenir toute réoccupation illégale, comme l’ont rappelé la préfète de la région Pays de la Loire, Nicole Klein, et le premier ministre.

Renforts chez les zadistes

De l’autre côté de la « ligne de front », parmi les zadistes, chaque moment de répit est consacré à la récupération de ce qui peut l’être : avec trois cabanes détruites, il est possible d’en reconstruire une nouvelle. Ces moments de calme sont aussi mis à profit pour réparer les barricades endommagées lors des interventions des gendarmes, et pour se livrer aux préparatifs : des projectiles divers sont entassés, des masques de protection rassemblés…

En ce début de week-end, où la zone commence à se remplir de nouveaux venus aux chaussures et vêtements propres, des panneaux détaillant les différents types de grenades utilisés par les gendarmes et leurs dangers sont affichés à leur intention. Les habitués de ce type de luttes ont le visage dissimulé derrière un passe-montagne ; seuls certains avancent à visage découvert, une carte à la main, à la recherche de leur chemin. La lutte s’internationalise aussi : on entend parler espagnol, allemand.

Même si la ZAD n’est pas l’abri d’une nouvelle incursion des gendarmes, à l’image de celle ayant eu lieu samedi matin, c’est à Nantes, dans l’après-midi, que devrait se cristalliser une partie de la colère contre les expulsions. Dans la matinée de vendredi, plusieurs fourgons étaient déjà disposés aux abords du bâtiment de la préfecture, place Roger Salengro.

La préfecture a confirmé la tenue des deux manifestations – aucune des deux n’a été déclarée –, la première à 14 h 30 à l’appel de l’intersyndicale et des étudiants, et la seconde à 16 h 30 contre les expulsions sur la ZAD. En marge de la conférence de presse de la préfète vendredi, son entourage relevait que les manifestations de soutien à Notre-Dame-des-Landes rassemblaient de moins en moins de participants, mais qu’il y avait un « risque », avec le cumul des étudiants et de l’intersyndicale.

Dominique Fesneau, l’un des trois présidents de l’Acipa, la principale association d’opposants à l’ex-aéroport, s’interrogeait, lui, sur l’opportunité de s’associer à la manifestation de Nantes. « Nous avons peur que la colère et un esprit vengeur qui s’explique l’emportent. Et des provocations, aussi ». L’Acipa a donc lancé un appel à « venir en masse » dimanche, à partir de midi, sur la ZAD.