Jeremy Corbyn, à la Chambre des communes, lundi 16 avril. / PA / AP

La décision de la première ministre britannique, Theresa May, de frapper militairement la Syrie, samedi 14 avril, aux côtés des Etats-Unis et de la France, a été largement soutenue lors d’un débat à la Chambre des communes, lundi 16 avril. Et Le leadeur de l’opposition, Jeremy Corbyn, s’est trouvé bien isolé dans ces critiques.

Le chef du Parti travailliste a vivement critiqué Mme May, sous les huées des députés conservateurs. « Toutes les options diplomatiques n’étaient pas épuisées », a-t-il lancé, avant de contester l’efficacité militaire de l’opération, qui a visé trois sites du régime de Bachar Al-Assad. « Pourquoi la première ministre croit-elle que ces frappes dissuaderont de prochaines attaques chimiques ? Ne sait-elle pas qu’en 2017, les Etats-Unis ont déjà procédé à des frappes après [une autre attaque chimique] ? » Enfin, M. Corbyn a porté son attaque sur la question du droit : « Je crois que la légalité [des frappes] est discutable. »

La première ministre a répliqué en justifiant pas à pas son action. Elle se fonde sur le droit d’intervention humanitaire, utilisé à de nombreuses reprises par le passé. Ce fut déjà le cas en 1991, quand une zone d’interdiction aérienne fut mise en place en Irak, ou encore lors de l’intervention de l’OTAN au Kosovo, en 1999. Juridiquement, trois critères doivent être satisfaits pour permettre une telle action : il faut des « preuves convaincantes des souffrances humanitaires extrêmes et à grande échelle » ; il doit être « objectivement clair qu’il n’y a pas d’alternative à l’usage de la force » ; et celle-ci doit être « nécessaire », « proportionnée » et « strictement limitée dans le temps et son objectif ».

Frappes ciblées et limitées

Pour Mme May, ces trois critères étaient remplis. Elle a insisté en particulier sur le fait que les frappes étaient ciblées et limitées. « Il ne s’agissait pas d’intervenir dans une guerre civile ni de changer de régime. » L’objectif était simplement de rétablir la ligne rouge de l’interdiction internationale de l’utilisation des armes chimiques.

Ces arguments n’ont pas convaincu Jeremy Corbyn, qui s’est historiquement opposé à toutes les interventions militaires britanniques de ces dernières décennies. Selon lui, si la question humanitaire était vraiment urgente, il aurait mieux valu se pencher sur la souffrance du peuple du Yémen, en proie à une guerre civile ravageuse. Il s’est aussi interrogé sur la responsabilité du régime d’Assad dans l’attaque chimique de la Ghouta orientale, qui a déclenché ces frappes : « Tout tend à penser que le régime était derrière, mais d’autres groupes en Syrie ont utilisé des armes chimiques par le passé. »

Une large partie des députés travaillistes ont néanmoins choisi de se ranger derrière la première ministre. « L’inaction peut elle-même avoir de sérieuses conséquences, a attaqué Chris Leslie, l’un d’entre eux, debout, quelques rangs seulement derrière M. Corbyn. Ceux qui ferment les yeux et préfèrent ne rien faire pour gagner sur le terrain de la morale doivent eux aussi être responsables. »

Absence de vote

Dominic Grieve, un député conservateur, spécialiste du droit international, a moqué la position du leadeur travailliste, qui exige une résolution des Nations unies pour intervenir militairement. « Avec [ce point de vue], n’importe quel tyran au monde, mégalomaniaque, personne voulant mener un génocide, s’il a le soutien d’un membre immoral du Conseil de sécurité des Nations unies, pourra perpétrer ce génocide en toute impunité. Dans ce cas, ce serait la mort du système légal international. »

Soutenant très majoritairement les frappes, les députés britanniques se sont rabattus sur une autre critique : l’absence d’un vote à la Chambre des communes avant l’opération. En 2003, Tony Blair avait établi ce principe avant l’intervention en Irak, et David Cameron l’avait perpétué quand il avait décidé d’intervenir en Libye, en 2011. Lorsqu’il s’y était essayé s’agissant de la Syrie, en 2013, il avait perdu le vote à la Chambre des communes.

« Il y avait le temps d’organiser un débat », a attaqué Ken Clarke, un député conservateur. « Pourquoi attendre aujourd’hui pour en débattre ? », a renchéri Ian Blackford, un député du Parti national écossais. Mme May a répliqué que l’urgence des frappes et la coordination avec ses alliés rendaient l’organisation d’un débat parlementaire impossible. Sur ce point, les critiques sont restées nombreuses. Mais pour le reste, M. Corbyn était bien seul.