A défaut de souffler sur la Russie cet été, un petit air de Nazionale flottera mardi soir au stade de la Beaujoire, à Nantes, lors de la demi-finale de Coupe de France entre Les Herbiers et Chambly.

Soit l’affiche inattendue (à 21 heures sur Eurosport) entre deux équipes de troisième division, mais aussi l’opposition entre un entraîneur se revendiquant « vendéo-italien et supporteur de la Juve » – Stéphane Masala pour Les Herbiers – et une famille originaire des Marches (est de l’Italie), fondatrice d’un Inter Milan à la picarde : les Luzi. « On a déjà eu droit à plusieurs papiers dans la presse italienne, raconte Fulvio Luzi, président du FC Chambly, des journalistes de la Gazzetta dello Sport sont encore venus faire un reportage sur “le piccolo Inter” la semaine dernière. »

A Chambly, le noir et bleu de l’Internazionale Milano est partout : sur le maillot, le blason et dans les tribunes. Quand Fulvio et Bruno Luzi montent le club en 1989 – « sur un terrain à la sortie de la ville avec un blockhaus en guise de vestiaire », rappelle Bruno –, leur père Walter en devient le président, le fédérateur et parfois le buteur : « Il a marqué son dernier but à 51 ans. »

L’hymne italien comme répondeur

Walter Luzi, dit « Pépé », est mort le 28 février à 77 ans, le soir de la victoire (1-0) en quarts de finale de la Coupe de France contre Strasbourg. Des affiches « merci Pépé » sont punaisées un peu partout au siège du club. Amoureux de l’Inter depuis les années 1960, le patriarche avait imposé le maillot rayé nerazzurro. Et tant pis pour Bruno son fils cadet, dont le cœur bat plutôt pour la Juve. « Face à mon frère et mon père, je me suis rangé au vote démocratique », dit-il avant de révéler que le choix des couleurs avait aussi des raisons pratiques : « Comme aucune autre équipe n’évoluait en noir et bleu, on n’avait pas besoin de disposer d’un second jeu de maillot, c’était une économie pour nous. »

Le club des copains des débuts (« des bons joueurs qui voulaient juste s’amuser le dimanche », dixit Bruno) a grimpé de onze divisions. Avec toujours le clan Luzi aux manettes. Fulvio, entraîneur-joueur, puis Bruno, sur le banc depuis 2001 après avoir été l’attaquant prolifique des premières années. Mais la famille refuse l’étiquette du « FC Luzi » comme d’être le club de la communauté italienne picarde. « Même si on avait voulu, on n’aurait pas pu. On a dû avoir trois joueurs d’origine italienne depuis 1989, remarque Fulvio Luzi. Un jour, on devait organiser un match contre les Espagnols du club, mais même en rapatriant les Corses, je n’ai pas trouvé onze mecs. »

Bruno Luzi, entraîneur du FC Chambly, le 7 avril 2018. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Ce qui n’empêche pas Stéphane Masala de « trouver incroyable l’histoire de cette famille ». « Quand je me suis déplacé pour la première fois à Chambly, j’ai été impressionné par les chants des supporteurs. On se serait cru en Italie. » Un pays que l’entraîneur des Herbiers porte dans son cœur et dans son portable – où Fratelli d’Italia (l’hymne italien) fait office de répondeur.

« Mon papa est sarde et avait enregistré sur un vieux [magnétoscope] V 2000 tous les matchs de l’Italie lors de la Coupe du monde 1982, raconte le technicien de 41 ans, en place depuis le 16 janvier, après avoir été l’adjoint de Frédéric Reculeau. J’ai baigné dans cette génération des Rossi, Scirea, Gentile et Zoff dans les buts. J’ai toujours été un fan de la Nazionale et j’ai enregistré tous ses matchs en Coupe du monde depuis 1990. »

Opposition de style

Un amour qui le pousse à imaginer faire l’impasse sur la prochaine Coupe du monde, qui se disputera sans l’Italie : « Peut-être que je ne regarderai pas un match ou que je les suivrai tous avec un œil d’entraîneur. Quand l’Italie joue, je perds en lucidité, faut dire. Mes enfants ont obligation de s’habiller en vert-blanc-rouge, c’est une dictature chez moi. »

Ce tropisme transalpin l’accompagne aussi au quotidien pour concevoir les entraînements et réfléchir au jeu. Il ponctue ses causeries d’avant-match d’un « Forza Juve » et, incollable sur la Serie A, s’est abonné à un site Internet pour coachs italiens. « Je reçois tous les mois des entretiens, des articles, des vidéos sur la tactique. C’est hyperpointu, c’est ce que les Italiens adorent. Je travaille la langue ainsi et je m’en inspire beaucoup dans mon travail. »

Si le Vendéen cite l’animation très offensive du Napoli de Maurizio Sarri comme dernière source d’inspiration, Bruno Luzi répond à une autre tradition italienne : l’art de beaucoup et bien défendre. « Mon père était un adorateur de l’Inter de Helenio Herrera, une équipe ultra-défensive, se souvient le technicien de 52 ans. Je ne sais pas si c’est lié, mais j’ai adopté un système très défensif. Mes équipes sont réputées pour ça, mais c’est marrant parce qu’avec les années, mon père avait viré de bord et voulait qu’on attaque davantage. »

Son frère Fulvio vend d’ailleurs une opposition de style entre le jeu de possession des Herbiers (« là-dessus, Masala est un peu barcelonais ») et le goût pour la contre-attaque de Chambly. Stéphane Masala le sait et rappelle que seul le vainqueur a raison à la fin : « C’est le football italien qui me l’a appris. »