Hommage à la journaliste Daphne Caruana Galizia à l’église Saint Francis de Malte, le 16 avril. / MATTHEW MIRABELLI / AFP

De nombreuses initiatives ont honoré lundi 16 avril la mémoire de la journaliste et blogueuse anticorruption maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée il y a six mois, tandis qu’à Londres ses fils ont accusé le gouvernement maltais d’inaction.

Des affiches, posées dans les rues de Malte par #OccupyJustice, un groupe militant dirigé par des femmes, détournaient lundi les titres de films connus pour attaquer le Premier ministre Joseph Muscat, son chef de cabinet et le ministre du Tourisme. « Daphne Caruana Galizia a été assassinée alors qu’elle dénonçait des affaires de corruption choquantes. Six mois plus tard, nous n’avons toujours pas une idée de qui a ordonné ce meurtre et personne n’a assumé la responsabilité politique pour cet assassinat », a dénoncé OccupyJustice dans un communiqué.

Le groupe a aussi critiqué « les gens méprisables » qui gouvernent Malte, un pays « où l’Etat de droit se trouve à un niveau ridicule et dangereux ».

#JusticeForDaphne

A Londres, des dizaines de personnes se sont rassemblées devant l’ambassade de Malte, brandissant des photos de la journaliste assassinée avec le mot-dièse #JusticeForDaphne. « Ce que nous demandons, ce n’est pas seulement la justice pour ce meurtre mais aussi la justice pour les crimes sur lesquels notre mère écrivait », a déclaré son fils Matthew Caruana Galizia, 32 ans, en marge de la manifestation. « Actuellement, à Malte, nous avons une double impunité : à la fois pour le meurtre de ma mère et pour toute la corruption sur laquelle elle écrivait ».

Accompagné de son frère Paul, Matthew Caruana Galizia a décrit l’anniversaire de la mort de sa mère comme « de secondes funérailles » et dénoncé la gestion du gouvernement maltais comme « une campagne de relations publiques ». « Tout ce qui les intéresse, c’est comment le reste du monde voit ça et comment s’en sortir ».

L’instruction concernant la mort de la journaliste est toujours en cours. Trois hommes, inculpés le 5 décembre, ont plaidé non coupables d’avoir fabriqué la bombe qui a tué la journaliste et de participation à une organisation criminelle. Un autre groupe de militants maltais a pour sa part collé des affiches dans les principales rues de La Valette avec ce slogan en italien : « Il silenzio è Mafia » (« Le silence c’est la mafia »).

Défendre la liberté de la presse

Une messe a été célébrée en soirée par l’archevêque de Malte Mgr Charles Scicluna, juste avant une veillée dans la capitale maltaise. « Nous sommes rassemblés pour défendre le principe de la liberté de la presse car toute attaque contre un journaliste est une attaque à la liberté de la presse », a souligné Pauline Mevel, qui dirige l’organisation Reporters sans frontières de l’UE.

Une participante, Pia Zammit, a pour sa part estimé que Malte n’était pas « un pays normal », car sinon le meurtre aurait été suivi de démissions.

Six autres veillées se sont tenues à Londres, Edimbourg, Washington, Berlin, Dresde et Amsterdam, à l’appel notamment de la Fédération internationale des journalistes.

Par ailleurs, 45 journalistes appartenant à 18 organes de presse (dont Le Monde, La Repubblica, The Guardian et The New York Times) à avoir mené des enquêtes depuis cinq mois « pour compléter » le travail de la journaliste maltaise. Leur travail doit être publié dans la nuit de lundi à mardi. « Ils ont tué la journaliste, pas l’histoire », explique sur son site internet l’organisation « Forbidden stories », qui a coordonné ce travail d’enquête. (www.forbiddenstories.org).