Ils n’ont pas encore abordé le plus dur des débats. Mais les députés ont déjà vécu une première nuit intense. Lundi 16 avril au soir, les premières heures de discussions sur le projet de loi asile-immigration ont laissé la part belle à la droite. Les députés Les Républicains (LR) Guillaume Larrivé (Yonne) et Eric Ciotti (Alpes-Maritimes) ont longuement pris la parole.

Le premier a dénoncé un « petit projet de loi » de « petits ajustements techniques et de petits compromis politiques internes à la majorité », le second a, lui, fustigé un texte « de demi-mesures » rédigé avec des « pudeurs de violettes ». Un discours « nauséeux », a dénoncé le député La France insoumise (Seine-Saint-Denis) Eric Coquerel qui a vu le groupe de droite « jouer à l’idiot utile du macronisme » contribuant à « faire passer une loi extrême pour une loi équilibrée », alors qu’elle est « inhumaine » selon lui.

Amendements hostiles au texte

La teneur de ces échanges a largement servi Gérard Collomb. Face aux appels à la fermeté de la droite, le ministre de l’intérieur a déroulé un discours d’apaisement. « Une société, il est toujours facile de la diviser, de susciter les peurs, les craintes. Ce qui est plus difficile c’est de rassembler », leur a répondu M. Collomb. « Nous voulons résoudre les problèmes mais sans jouer sur les peurs et sans faire dans les amalgames », a-t-il poursuivi.

Le ministre de l’intérieur a montré un visage à l’opposé de celui affiché lors de l’examen du texte en commission. Il y a deux semaines, devant certains députés de la majorité gênés par les aspects répressifs du projet de loi, il avait déclenché une polémique en affirmant que des régions françaises étaient « submergées » par les migrants. Une expression très proche de la « submersion migratoire », rhétorique utilisée par l’extrême droite. « Je ne souscris en rien à la théorie du grand remplacement », a dû se défendre le ministre dans un entretien au Journal du dimanche daté du 15 avril.

Lundi soir dans l’Hémicycle, l’ancien maire de Lyon s’est bien plus adressé à sa majorité, en particulier à ceux qui doutent de ce projet de loi. De nombreux députés ont exprimé leurs réserves sur certaines mesures qui risquent, sous couvert d’accélérer le traitement des demandes d’asile, de réduire les droits des réfugiés. En commission, un petit collectif de députés LRM a ainsi déposé de nombreux amendements hostiles au texte. Un début de fronde qui a provoqué un sévère rappel à l’ordre de la part de Richard Ferrand. Le patron de la majorité a menacé d’exclusion du groupe ceux qui voteraient contre le texte. La plupart des députés LRM contestataires devraient s’abstenir lors du vote, après avoir de nouveau défendu de nombreux amendements cette semaine.

Conditions de vie « indignes »

Pour les amadouer, Gérard Collomb a donné, lundi soir, des gages d’ouverture, notamment au sujet du placement de mineurs en centre de rétention. Les députés de la majorité voulaient l’interdire. Le gouvernement s’y oppose, craignant que cela ne vienne faire obstacle au renvoi de certaines familles hors de France. « Je sais que c’est un problème pour un certain nombre de députés, j’y suis sensible », a indiqué le ministre promettant de soutenir « tous les travaux parlementaires » que les députés lanceraient à ce sujet. Une déclaration applaudie par une petite poignée d’élus LRM parmi les plus hostiles au texte.

Dans son discours, le ministre a par ailleurs évoqué les conditions de vie « souvent indignes » dans ces centres de rétention. Des mots loin d’être anodins. En décembre, la députée macroniste (Manche) Sonia Krimi avait marqué les esprits en employant le terme « indigne » lors d’une question au gouvernement sur les centres de rétention. Son intervention avait révélé les tensions au sein de la majorité sur ce sujet.

Lundi soir, le ministre a semblé endosser un nouveau costume. Pendant les longues semaines de négociations qui se sont tenues en ce début d’année autour de ce projet de loi, Gérard Collomb n’avait cessé de montrer sa fermeté face aux députés. « Il a peur d’être taxé de laxisme », confiait alors un membre de la majorité il y a quelques semaines. Après avoir circonscrit les critiques en interne, il peut désormais jouer un autre rôle en ménageant ses troupes et en attaquant le discours plus ferme de la droite. Un rôle qu’il devrait tenir toute la semaine.