Le 16 octobre 2017, la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia mourait dans l’explosion de sa voiture, à quelques dizaines de mètres de son domicile. Cet assassinat, sur le sol de l’Union européenne, d’une journaliste indépendante qui dénonçait la corruption à Malte, a choqué l’ensemble du continent.

Le « projet Daphne » a alors été lancé par à l’initiative du réseau « Forbidden Stories », créé en octobre 2017. Ce réseau est né de la volonté de Laurent Richard, journaliste de l’agence française de production Premières Lignes, et Bastian Obermayer, journaliste d’investigation allemand à l’origine des « Panama Papers », afin de poursuivre les enquêtes des journalistes menacés, emprisonnés ou assassinés.

Liberté d’action et de ton

Pendant cinq mois, 45 journalistes de quinze pays, représentant 18 médias, dont, en France, Le Monde, Radio France, France 2 et Premières Lignes ; au Royaume-Uni, le Guardian et Reuters ; en Allemagne, la Süddeutsche Zeitung ; aux Etats-Unis, le New York Times ; ou encore le Times of Malta, ont travaillé ensemble, dans le secret, sur la mort de la journaliste maltaise et relancé ses enquêtes. Le « projet Daphne » est le premier coordonné par le réseau « Forbidden Stories ». Plusieurs volets de ces enquêtes seront publiés dans les jours prochains.

Tuée à l’âge de 53 ans, Daphne Caruana Galizia travaillait comme journaliste à Malte depuis 1987. Après avoir collaboré à plusieurs journaux, elle avait lancé un blog indépendant en 2008, « Running Commentary ». Attachée à sa liberté d’action et de ton, en dépit de sa proximité avec le Parti nationaliste (centre droit), la journaliste maltaise multipliait les révélations sur la corruption au sein du pouvoir maltais. Elle visait particulièrement le premier ministre travailliste, Joseph Muscat, bien qu’elle se soit attaquée, peu avant sa mort, aux affaires impliquant le Parti nationaliste.

Dans une île ultrapolarisée entre les camps travailliste et nationaliste, les écrits de Daphne Caruana Galizia étaient parfois vindicatifs, voire diffamatoires, insuffisamment étayés. C’est pourtant bien elle qui, seule, sur son blog, a permis de révéler plusieurs scandales d’ampleur à Malte, suivis dans toute l’Europe, comme la création, par des dirigeants, de sociétés offshore au Panama. Ensemble, le groupe de journalistes réuni par « Forbidden Stories » s’est fait fort de poursuivre ses enquêtes, en toute indépendance.