Marine Le Pen a commis quelques approximations dans son entretien su Radio classique. / JULIEN MUGUET POUR LE MONDE

La présidente du Front national, Marine Le Pen, était interrogée sur Radio classique et Paris Première, mardi 17 avril. Elle a notamment exposé ses arguments après que le Parlement a été consulté sur les frappes effectuées par la France en Syrie. La députée est aussi revenue sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif, actuellement examiné par les parlementaires.

Le rôle survendu de la Russie au Conseil de sécurité

Ce qu’elle a dit :

« C’est la Russie qui a déposé une résolution demandant une enquête de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. C’est la France qui s’y est opposée. »

C’EST PLUS COMPLIQUÉ

La Russie a bien déposé, le 10 avril, un projet de résolution à l’ONU afin de mettre en place un mécanisme d’enquête après l’usage présumé d’armes chimiques en Syrie. Ce projet de résolution a effectivement été rejeté : avec seulement six voix pour, sept contre et deux abstentions. La France s’y est opposée, mais elle n’est pas la seule : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Pérou, la Pologne et la Suède ont fait de même. Ces derniers reprochaient notamment à la résolution proposée par la Russie de ne pas permettre au mécanisme d’enquête de déterminer la responsabilité des attaques chimiques, ainsi que de ne pas garantir son indépendance.

Juste avant, un projet de résolution, présenté par les Etats-Unis, qui aurait instauré un mécanisme d’enquête plus indépendant et capable de désigner des responsables de l’attaque chimique présumée, avait été rejeté par la Russie, qui y a mis son veto. C’est d’ailleurs le douzième veto de la Russie au sujet de la Syrie depuis 2011. Pourtant, le texte avait été adopté par le Conseil de sécurité par 13 voix pour, deux contre (Russie et Bolivie) et une abstention (Chine).

Un dernier projet, présenté par la Suède, se voulait consensuel, mais a été aussi rejeté par le Conseil de sécurité, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Pologne estimant que le texte ne permettait pas d’attribuer une quelconque responsabilité dans l’attaque chimique. Bref, la Russie a bien déposé une résolution comme l’affirme Marine Le Pen, mais d’autres Etats l’ont fait avant elle.

De son côté, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a déclaré se rendre sur place pour tenter de mener une enquête. Mais elle n’a pas la responsabilité de déterminer qui sont les auteurs des attaques chimiques.

La protection des parents d’enfants immigrés surestimée

Ce qu’elle a dit :

« Le droit du sol est un des processus d’incitation spectaculaires à l’immigration. On le voit de manière terrifiante à Mayotte, en Guyane, où des étrangers viennent pour accoucher sur le territoire, parce qu’à partir du moment où des étrangers ont accouché sur le territoire, ils sont devenus de fait inexpulsables. Ils peuvent donc rester sur le territoire. »

C’EST INEXACT

Le droit européen interdit en effet d’expulser le parent, étranger à l’Union européenne, d’un enfant ayant la citoyenneté européenne, c’est-à-dire ayant la nationalité d’un des pays membres.

Par ailleurs, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) précise qu’il est impossible d’expulser le père ou la mère d’un enfant français, résidant en France, à condition qu’il participe effectivement à son éducation depuis plus de deux ans.

Il est donc possible d’expulser une femme qui aurait accouché sur le territoire français, avec son enfant si celui-ci n’est pas français. Or, n’est français qu’un enfant dont au moins un de ses parents est français, ou qui est né en France d’un parent lui-même né en France. Sinon, l’enfant ne peut acquérir la nationalité française que s’il réside régulièrement en France depuis une durée d’au moins cinq ans. L’acquisition de la nationalité n’est donc pas automatique.

Exagération sur le « laxisme » du projet de loi asile et immigration

Ce qu’elle a dit :

« Le projet de loi met en place une nouvelle filière d’immigration, puisqu’il met en place le regroupement familial pour les mineurs isolés, y compris élargi aux collatéraux. Par conséquent, un mineur isolé peut faire venir l’intégralité de sa famille, y compris ses frères et sœurs avec tous les problèmes d’état civil que l’on peut connaître. »

C’EST FAUX

Le « projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » ne prévoit pas d’étendre le regroupement familial aux frères et sœurs, mais uniquement la procédure de réunification familiale pour les mineurs isolés. Cette procédure permet aujourd’hui à un mineur isolé qui a obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire de faire venir ses parents, alors que le regroupement familial concerne les réfugiés qui ne sont pas protégés par ces statuts.

Le projet de loi propose d’étendre, dans son article 3, le droit à la réunification aux frères et sœurs du mineur isolé qui en fait la demande. Il ne peut s’agir que des enfants qui sont réellement à la charge du couple. Marine Le Pen a donc dû confondre regroupement et réunification familiale.

Par ailleurs, le regroupement familial au sens strict de la loi − qui concerne les étrangers présents depuis plus d’un an et demi sur le territoire français et répondant à des conditions strictes de revenus et de logement − ne devrait pas être assoupli par le gouvernement.