Le professeur Laurent Lantieri a réalisé la greffe de Jérôme Hamon à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

Il est le premier homme au monde à avoir subi deux greffes du visage. Toujours hospitalisé trois mois après son opération à Paris, Jérôme Hamon s’est dévoilé avec un visage encore lisse et immobile, qui n’a pas épousé les traits de son crâne. Cela devrait venir peu à peu, à condition que soit bien suivi le traitement immunodépresseur empêchant un nouveau rejet.

« Je me sens très bien », a assuré le greffé, âgé de 43 ans, ayant subi son opération dans la nuit du 15 au 16 janvier. « J’ai hâte d’être libéré de tout ça », ajoute-t-il, fatigué par le lourd traitement qu’il doit subir, et s’exprimant avec difficulté.

Cette prouesse inédite est à mettre au crédit de l’équipe du Pr Laurent Lantieri, à l’hôpital européen Georges-Pompidou, de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce chirurgien plastique avait déjà réalisé, sur le même patient, une première greffe totale du visage, en 2010 à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, près de Paris.

Jérôme Hamon est atteint de neurofibromatose de type 1 (maladie de von Recklinghausen), une maladie génétique qui a déformé son visage. La première greffe avait été un succès, mais en 2015, à l’occasion d’un banal rhume, il est soigné par un antibiotique incompatible avec son traitement immunodépresseur. En 2016, il commence à montrer des signes de rejet chronique, et le visage se dégrade. A l’été 2017 il est hospitalisé, et en novembre, son visage greffé, qui présente des zones de nécrose, doit lui être retiré.

Deux mois « sans visage »

Il restera deux mois « sans visage » en réanimation à Pompidou, le temps que l’Agence de la biomédecine signale un donneur compatible. Le donneur de visage sera un jeune homme de 22 ans, décédé à plusieurs centaines de kilomètres de Paris. Le Pr Lantieri l’apprend un dimanche soir, le 14 janvier, ce qui déclenche une grosse logistique.

Avec l’accord de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), une technique révolutionnaire a été employée pour la conservation du greffon : en plus d’être plongé dans un soluté classique, il a bénéficié des propriétés de l’hémoglobine de ver marin pour retenir l’oxygène.

Jérôme Hamon entre au bloc opératoire le lundi 15 janvier. Le patient ressortira du bloc le mardi en fin de matinée, au terme d’une opération hors norme.

« L’opération répond à une question qui était de l’ordre de la recherche : est-ce qu’on peut refaire une greffe du visage ? Oui, on peut retransplanter, et voilà ce qu’on obtient », a expliqué le Pr Lantieri.

Pour éviter un rejet, l’opération a exigé de « nettoyer le sang d’anticorps », par une plasmaphérèse, et de « bloquer la production de ces anticorps » par traitement médicamenteux pendant « les trois mois qui ont précédé la transplantation », a détaillé Éric Thervet, néphrologue.

« La première greffe, j’ai accepté immédiatement le greffon. J’ai considéré que c’était un nouveau visage et maintenant c’est pareil, dit aujourd’hui Jérôme Hamon. Si je n’avais pas accepté ce nouveau visage, ç’aurait été un drame. Effectivement, c’est une question d’identité. (…) Mais là, c’est bon, c’est moi. ».

Depuis 2005, date de la première greffe du visage la Française Isabelle Dinoire en 2005, on compte 40 opérations de ce type dans le monde.

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