L’Assemblée nationale cubaine a ouvert une session inaugurale pour désigner le futur président, mercredi 18 avril. / ADALBERTO ROQUE / AFP

C’est une transition historique qui se prépare à Cuba. L’Assemblée nationale a ouvert mercredi 18 avril une session inaugurale destinée à désigner le nouveau président de l’île, alors que s’achèvent six décennies de pouvoir exclusif des frères Castro.

Selon le programme publié par les médias officiels, les députés doivent d’abord inaugurer la nouvelle législature et désigner leurs cadres, avant d’élire, dans leurs rangs, les 31 membres du Conseil d’Etat, et le président de cet organe exécutif suprême, qui succédera à Raul Castro. Si ce vote doit se tenir mercredi après-midi, l’identité du nouveau président ne sera révélée que jeudi à partir de 9 heures, heure locale (16 heures, heure de Paris), ont précisé les médias d’Etat.

Depuis la révolution de 1959, Cuba n’a connu qu’une seule véritable transition à la tête de l’Etat : en 2006, lorsque Fidel Castro, malade, passa le témoin à son frère cadet après plus de quarante ans de pouvoir sans partage. Fidel s’est éteint à la fin de 2016 et c’est aujourd’hui au tour de Raul, 86 ans, de céder sa place à un représentant de la nouvelle génération, qui devrait, sauf surprise, être le premier vice-président, Miguel Diaz-Canel, un civil de 57 ans.

Transition préparée

Numéro deux du régime depuis 2013, cet homme du système a été préparé à prendre la tête du régime. Depuis plusieurs années, il représente régulièrement son gouvernement lors de missions à l’étranger et ses apparitions dans les médias sont de plus en plus fréquentes.

S’il est élu, cet ingénieur en électronique né après la révolution devra asseoir son autorité et poursuivre l’indispensable « actualisation » du modèle économique de l’île esquissée par le cadet des Castro. Des charges lourdes pour un homme au profil plutôt discret qui a gravi dans l’ombre les échelons du pouvoir cubain.

« Il sera intéressant d’observer si [M. Diaz-Canel] est capable de résister à la pression de cette charge », a expliqué Paul Webster Hare, professeur de relations internationales à Boston et ex-ambassadeur britannique à Cuba, à l’Agence France-Presse (AFP).

« Fidel et Raul (…) n’ont jamais eu à justifier leurs positions. Ils avaient mené la Révolution et personne ne remettait en cause leur droit d’être dirigeants. [Mais] ils n’ont pas créé de modèle démocratique permettant de conduire un changement, c’est une des principales raisons pour lesquelles Diaz-Canel fait face à une tâche ardue. »

Déficit de légitimité

Pour la première fois depuis des décennies, le président n’aura pas connu la révolution de 1959, ne portera pas l’uniforme vert olive et ne dirigera pas le Parti communiste cubain (PCC). Mais il pourra combler ce déficit de légitimité grâce à Raul Castro, qui gardera la tête du puissant parti unique jusqu’en 2021. A ce poste, il devra mobiliser la vieille garde des « historiques », perçus pour la plupart comme rétifs aux réformes les plus ambitieuses.

Leur niveau de responsabilité au sein du nouveau Conseil d’Etat donnera une indication sur la volonté réformatrice du régime, et sur la marge de manœuvre du nouveau président. Continuité du système oblige, celui-ci n’a jamais présenté de programme, mais il devra tenir compte des « lignes directrices » (« lineamientos ») votées par le parti unique et le Parlement, qui dessinent les orientations politiques et économiques à mener d’ici à 2030.

Le prochain gouvernement « va devoir rendre des comptes au peuple, le peuple participera aux décisions », avait déclaré M. Diaz-Canel au moment de voter aux dernières législatives dans sa ville de Santa Clara, dans le centre du pays.

De l’avis des experts, le futur président sera surtout attendu sur son aptitude à mener les réformes nécessaires pour redresser une économie stagnante (1,6 % en 2017), fortement dépendante des importations et de l’aide de son allié vénézuélien aujourd’hui affaibli. Il devra également s’occuper du chantier de l’unification monétaire, mesure maintes fois ajournée qui vise à supprimer un système de dualité de monnaies nationales unique au monde, responsable, depuis 1994, d’importantes distorsions dans une économie encore largement étatisée.