L’économie mondiale est désormais plus endettée qu’au début de la dernière crise financière, a déploré le Fonds monétaire international (FMI) mercredi 18 avril, exhortant les pays à prendre, sans délai, des mesures pour améliorer leurs finances avant l’inévitable prochain cycle de ralentissement.

« A 164 000 milliards de dollars, soit près de 225 % du PIB [mondial], la dette mondiale atteint un nouveau record », a déclaré Vitor Gaspar, responsable des affaires budgétaires du FMI. Le monde est désormais 12 % plus endetté que lors du précédent record, enregistré en 2009, juste après la faillite de la banque Lehman Brothers, soit au début de la récession mondiale.

Les gouvernements avaient alors renfloué certaines banques en difficulté pour relancer l’économie après la crise. Les banques centrales ont ensuite alimenté les marchés avec des taux d’intérêt extrêmement bas. Cette politique, destinée à stimuler la reprise, s’est prolongée et a abouti à un endettement généralisé des Etats, des entreprises et des particuliers.

« Pas de place pour la complaisance »

Si l’institution de Washington attribue en partie cette hausse de l’endettement à la Chine, qui, à elle seule, représente 43 % de l’augmentation de la dette depuis 2007, elle prévient qu’aucune économie n’est épargnée.

« La majeure partie de l’endettement provient des pays avancés. Néanmoins, au cours des dix dernières années, les économies des marchés émergents ont été responsables de la majorité de l’accroissement », a résumé Vitor Gaspar. « Il n’y a pas de place pour la complaisance », a-t-il insisté, soulignant que les pays devaient prendre immédiatement des mesures décisives pour renforcer les « moyens de défense » pendant que la conjoncture économique demeurait favorable.

La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, encourage depuis des mois à « réparer le toit pendant qu’il fait beau », c’est-à-dire profiter d’un cycle de croissance économique solide pour réformer et être en mesure d’affronter la prochaine crise. D’autant que, selon elle, la solide expansion économique « va finir par ralentir ».

S’agissant des pays en développement, à l’instar des pays africains, leur endettement est bien en deçà de ses pics historiques, mais le FMI souligne que ces économies ont bénéficié d’allégements de la part de leurs créanciers internationaux. Il n’en reste pas moins que « 40 % des pays à bas revenus sont actuellement à un niveau de risque élevé en matière d’endettement ou déjà en situation de surendettement », a observé Vitor Gaspar.

Il note, en outre, que le paiement des intérêts de la dette s’est déjà accru rapidement en particulier dans les pays où l’inflation est élevée. « Le poids des intérêts a aussi doublé ces dix dernières années », a-t-il précisé.

Le Fonds monétaire international s’inquiète d’ailleurs qu’une accélération surprise de l’inflation ne vienne aggraver la situation. Une forte augmentation des prix conduirait la Réserve fédérale (la banque centrale des Etats-Unis, Fed) à remonter ses taux d’intérêt plus rapidement que prévu, rendant encore plus vulnérables les pays émergents, pour lesquels une partie de la dette est libellée en dollars et qui verraient ainsi les intérêts augmenter davantage.

Les Etats-Unis critiqués

Les pays ne sont pas les seuls exposés au problème de l’endettement. L’argent facilement alloué après la crise financière de 2008 a conduit à un endettement des entreprises qui pourrait aussi contribuer à mettre en péril la croissance, avait estimé le Fonds monétaire international dans un rapport publié la semaine dernière.

L’allocation de crédits à des entreprises jugées à risques est une source de vulnérabilité pouvant menacer la stabilité financière, avait-il expliqué.

Enfin, le FMI s’est montré particulièrement critique envers les Etats-Unis, la première puissance économique mondiale, dont la réforme fiscale adoptée à la fin de décembre va encore faire gonfler la dette. L’abaissement des impôts consenti, essentiellement aux entreprises, va entraîner une augmentation du déficit budgétaire américain de 1 000 milliards de dollars lors des trois prochaines années, élevant la dette du pays à 116,9 % du PIB d’ici à 2023, a-t-il calculé.

L’administration Trump affirme que l’accélération de la croissance, en générant de nouvelles recettes, va permettre de financer le manque à gagner entraîné par les réductions d’impôts. Mais l’argument ne convainc pas le FMI.

« La politique budgétaire très expansionniste des Etats-Unis, à un moment où le déficit des comptes courants est déjà plus important que ce que les fondamentaux impliquent (…), va encore creuser les déséquilibres entre les pays. »