La France affiche un taux réel (inflation déduite) de rémunération de -0,81 %, contre -1,06 % en moyenne pour la zone euro. / Jacques Loic / Photononstop

Un tout petit 0,75 %. Soit le niveau le plus bas de son histoire. C’est le taux de rémunération du livret A depuis la mi-2015, et cela le restera, au moins, jusqu’à 2020. Ainsi en a décidé le gouvernement en fin d’année dernière, par arrêté. Alors que ce taux est habituellement revu deux fois l’an, en fonction, notamment, de l’inflation, ce gel a été décidé dans l’attente d’une « réforme pérenne » de la formule de calcul, annoncée pour l’après-2020.

De quoi faire grincer les dents des épargnants, dans un contexte où l’inflation grimpe légèrement et alors que les montants placés sur ce fameux livret A ont atteint 276,4 milliards d’euros en février. C’est 381,1 milliards, même, en comptabilisant les sommes du LDDS (livret de développement durable et solidaire). Mais les Français ne sont pas si mal lotis en matière de rendement de l’épargne, révèle une étude publiée mardi 17 avril.

Une rémunération négative partout

« Les taux administrés du livret A et des produits apparentés ont permis de mieux protéger les revenus de l’épargne des ménages en France que dans la plupart des autres pays de la zone euro », explique en effet Eric Dor, directeur des études économiques à l’Ieseg School of Management.

A partir des données de la Banque centrale européenne (BCE), il a comparé les taux de rendement moyens des dépôts d’épargne français (livret A, LDDS, livret d’épargne populaire et livrets ordinaires, principalement) à ceux des autres pays de la zone euro. Les taux nominaux bien sûr, c’est-à-dire les taux affichés, mais surtout les taux réels : ce que rapportent les livrets si on déduit l’inflation.

Sans surprise, le taux réel de rémunération moyen est négatif dans tous les pays étudiés, ce qui veut dire que la valeur des sommes placées diminuera cette année si on prend en compte la hausse générale des prix telle qu’elle est anticipée pour 2018 dans chaque pays.

La France à la troisième place

Mais la France affiche un taux réel de rémunération de - 0,81 %, contre - 1,06 % en moyenne pour la zone euro. Parmi les treize pays étudiés, elle se place troisième. C’est l’Italie qui s’en sort le mieux, avec - 0,05 %, devant Chypre (- 0,59 %). La Lettonie est en revanche le pays où les épargnants sont le moins bien protégés de l’inflation, avec un taux réel à - 3,05 %.

« On a particulièrement bien limité les dégâts en France, où le taux d’intérêt réel est moins négatif que chez la plupart des autres pays de la zone euro, note M. Dor. La France est donc un des pays de la zone euro où les ménages perdent le moins de pouvoir d’achat sur leurs dépôts d’épargne. C’est évidemment à cause du taux des livrets A maintenu à 0,75 % par les pouvoirs publics, ce qui a également provoqué, par concurrence, un certain maintien des taux des autres catégories de dépôts d’épargne. »

L’Italie en tête

Pour Eric Dor, le bon niveau de la protection italienne s’explique cependant en partie par la mauvaise santé des banques du pays. « Il y a une corrélation entre le niveau des taux de rémunération offerts et la fragilité des banques. Les plus fragiles sont celles qui ont le plus besoin de financement et qui sont donc les plus susceptibles de proposer des taux élevés pour attirer les clients. Je n’ai pas pu recueillir auprès de la BCE les données pour l’Espagne et le Portugal, mais les chiffres dont je dispose laissent penser que ces pays sont dans la même configuration que l’Italie. Ce qui confirmerait ce lien entre fragilité de l’environnement bancaire et niveau de rémunération. »