Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, et le président des Etats-Unis, Donald Trump, à Palm Beach (Floride), le 17 avril. / PABLO MARTINEZ MONSIVAIS/AP

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a retrouvé, mardi 17 avril et pour deux jours, Donald Trump à Mar-a-Lago, la villégiature de Floride du président américain. Lorsqu’ils s’y étaient vus en 2017, la Corée du Nord avait tiré un missile en plein dîner. Cette fois, la situation sécuritaire s’améliore rapidement en Asie du Nord-Est mais le processus place le Japon en marge du jeu diplomatique et Tokyo redoute que sa propre sécurité ne soit pas la priorité de la rencontre prévue d’icià juin entre M. Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.

M. Abe n’en a pas moins loué les qualités de M. Trump : sa « détermination inébranlable » et son « courage » sur le dossier nord-coréen. En réponse, M. Trump a souligné l’unité de vue du Japon et des Etats-Unis sur cette question et a promis d’évoquer, lorsqu’il rencontrera M. Kim, la question des Japonais enlevés dans les années 1970-1980 par des agents de Pyongyang, un sujet dont les Japonais craignent qu’il reste au bord du chemin : « Les problèmes liés à la Corée du Nord auraient dû être résolus il y a des dizaines d’années, a déclaré Donald Trump. J’aborderai la question des enlèvements », a-t-il assuré.

Au cours de la négociation qui va s’ouvrir entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, M. Abe espère que Donald Trump ne se contentera pas d’insister sur l’abandon par Pyongyang de ses missiles balistiques intercontinentaux – qui menacent directement le territoire américain – mais qu’il inclura également le renoncement aux missiles de portée intermédiaire, capables d’atteindre l’archipel.

Affichage de proximité

L’autre volet compliqué pour la partie japonaise concerne le commerce. Malgré l’affichage de proximité sur les parcours de golf – les deux dirigeants devaient y jouer mercredi –, M. Trump a refusé d’inclure le Japon dans la liste des pays exemptés des nouveaux droits de douane qu’il a mis en place sur les importations d’aluminium et d’acier, comme il l’a fait pour la Corée du Sud ou l’Union européenne. Les industriels nippons pourraient échapper en partie à cette taxe douanière car les clients américains peuvent demander une dérogation pour leurs fournisseurs de produits indisponibles sur le sol américain – ce qui est le cas de l’essentiel de l’acier japonais de haute qualité vendu aux Etats-Unis.

Toutefois, la portée symbolique reste forte pour M. Abe qui pensait, en étant le premier chef de gouvernement étranger à être reçu à la Trump Tower au lendemain de l’élection et en lui offrant des clubs de golf, avoir trouvé la clé du personnage. Ce n’est ostensiblement pas le cas et M. Trump s’en est à nouveau pris, en marge de leur sixième rencontre, à « un pays qui nous a fait mal pendant des années sur le commerce ».

M. Abe souhaite le retour des Etats-Unis dans le Partenariat transpacifique (TPP), un accord de libre-échange réunissant 12 pays riverains du Pacifique qu’il a continué à porter malgré le retrait des Etats-Unis dès le jour de l’entrée en fonction de M. Trump. Mais alors que le sommet avait déjà débuté, M. Trump a écrit sur Twitter à propos du TPP : « Beaucoup trop de contraintes et aucune porte de sortie si ça ne fonctionne pas. Les accords bilatéraux sont bien plus efficaces, rentables et meilleurs pour nos travailleurs. Regardez à quel point l’Organisation mondiale du commerce est mauvaise pour les Etats-Unis. »

M. Trump préférerait un traité commercial bilatéral, mais M. Abe veut à tout prix l’éviter car le Japon redoute d’y perdre beaucoup dans les secteurs agricole et automobile. Larry Kudlow, directeur du conseil économique américain, a déclaré à la presse, lundi 18 avril, que l’ouverture de discussions sur un accord commercial avec le Japon et l’exemption des taxes sur l’acier et l’aluminium étaient « sur la table » du sommet.

Le pire scénario pour le Japon serait de voir M. Trump lier des questions sécuritaires existentielles à l’avancée des négociations commerciales et de l’entendre exiger davantage de commandes japonaises dans le domaine de l’armement et une plus forte contribution pour la présence militaire américaine au Japon, que Tokyo finance actuellement à hauteur de 70 %. Dans ce contexte, l’entourage du premier ministre japonais s’en est de nouveau remis à la partie de golf. « J’espère qu’elle servira à approfondir leur amitié », a déclaré le porte-parole du gouvernement japonais Yoshihide Suga.