Le Sénat, porte-parole de la ruralité, estime avoir son mot à dire sur la sécurité routière. Après l’annonce, par le premier ministre, le 9 janvier, de l’abaissement à 80 km/h de la vitesse sur les routes à double sens dépourvues de séparateur central, Philippe Bas (Manche, Les Républicains), président de la commission des lois, et Hervé Maurey (Eure, Union centriste), président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ont créé un groupe de travail sur la question. Il vient de rendre public, jeudi 19 avril, un rapport rédigé par Michel Raison (Haute-Saône, Les Républicains), Jean-Luc Fichet (Finistère, socialiste) et Michèle Vullien (Rhône, apparentée Union centriste).

Bien que les sénateurs qualifient de « brutale » l’annonce du premier ministre, « prise sans concertation avec les gestionnaires de voirie et les usagers », ils ne remettent pas en cause, à la différence d’une association comme 40 Millions d’automobilistes, le modèle mathématique qui prouve qu’une baisse de la vitesse entraîne une baisse de la mortalité.

Mais ils demandent que la réduction de la vitesse, censée concerner 400 000 km de routes dans le projet du gouvernement, soit « ciblée sur les roues accidentogènes ». En effet ils estiment que cette « mesure de réduction généralisée est vécue comme pénalisante par de nombreux territoires enclavés », et pose « un problème d’acceptabilité ». Ils citent le 14e baromètre Axa, du 10 avril 2018, selon lequel 76 % des Français y seraient opposés.

Conférences départementales de la sécurité routière

Ils proposent pour ce faire de « décentraliser la décision de réduction de la vitesse maximale autorisée sur les routes bidirectionnelles sans séparateur médian ». Ils expliquent en effet que sur les routes nationales et départementales, le pouvoir de police de la circulation est partagé entre les présidents des conseils départementaux, les maires et les préfets. Or, l’article R413-1 du code de la route donne à ces autorités le pouvoir de baisser les vitesses maximales autorisées (mais pas de les augmenter). Ce pouvoir est d’ailleurs utilisé par les élus locaux pour créer des zones 30 ou des zones de rencontre.

Les sénateurs proposent d’organiser des conférences départementales de la sécurité routière, coprésidées par les présidents de conseil départemental et les préfets, et faisant intervenir usagers et associations, afin d’identifier les routes ou les tronçons de route accidentogènes sur lesquels il serait utile de réduire la vitesse. Ce travail, disent-ils, pourrait s’inspirer de celui qu’a fait le département de la Haute-Saône et qui conclut que, sur 3 440 km de routes gérées par le département, seuls 2 924 km pourraient faire l’objet d’un abaissement de la vitesse. Ils souhaitent que les services de l’Etat définissent les principaux critères devant être retenus dans l’identification des routes accidentogènes.

« Ce travail d’identification a déjà été fait par l’Observatoire interministériel de la sécurité routière », observe Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière. L’étude rendue publique mardi 17 avril montre que les routes à double sens hors agglomération sont les plus dangereuses, car elles ont un très fort trafic : 10 % de ces routes concentrent 38 % de la mortalité.

Le sénateurs proposent de faire le travail d’identification entre juin et décembre, et de diminuer la vitesse à partir du 1er janvier 2019 – au lieu du 1er juillet 2018, selon les plans du gouvernement.

Comment réduire la mortalité routière ?
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