Documentaire sur MyCanal à la demande

Depuis vingt-cinq ans, une émission de ­Canal+ résiste à toutes les polémiques, à toutes les couleurs politiques et à tous les changements de direction à la tête de la chaîne. « Groland », avec son faux journal télévisé, son monde imaginaire et son ­humour absurde qui frise parfois la vulgarité, a su conserver ­intacte, durant toutes ces années, sa liberté de ton.

Le programme, qui a d’abord été une chronique dans diverses émissions de ­Canal+ avant d’avoir la sienne propre en 2001, relate l’actualité délirante de la « Présipauté de Groland », une nation fictive mais limitrophe de la France, qui ­possède son propre drapeau, son emblème (une amphore) et sa ­devise (« Groland, je mourrirai pour toi ! »).

Rire de tout

Deux personnages – deux experts en « grand n’importe quoi » – animent cette parodie de l’actualité française et internationale. Le présentateur et grand ­flagorneur Jules-Edouard Moustic (Christian Borde) et le journaliste incompétent et malchanceux – et obsédé sexuel notoire – Michael Kael (Benoît Delépine). Ils sont également épaulés par le reporter Francis Kuntz, ouvertement ­raciste, misogyne, homophobe et nostalgique du régime nazi, et par Gustave de Kervern, correspondant local alcoolique.

« Groland » incarne aussi un mode de vie. Au milieu de ses ­consulats, de ses chevaliers « des arts et des litres », de ses clochers et de ses personnes âgées dévergondées, on a le droit de ne rien faire, de flâner dans les bars et d’enchaîner les pintes de bière jusqu’à plus soif. On y suit les aventures libertaires du président élu à vie, interprété par Christophe Salengro, mort le 30 mars à l’âge de 64 ans. On peut aussi y montrer son postérieur en guise de protestation. « Et ne pas avoir honte », souligne Gustave de Kervern.

En deux décennies, l’émission et ses sketchs sont devenus ­cultes, preuves que l’on peut rire de tout et même qu’il ne faut rire « que de tout », ajoute Pierre Bellemare. A 88 ans, l’animateur a été choisi pour présenter Top 25 GRD, un ­documentaire qui raconte « vingt-cinq histoires vraies esstraordinaires », vécues par les auteurs, les comédiens, les réalisateurs ou la directrice de casting du programme.

Sketchs extrêmement préparés

Assis derrière son bureau, Pierre Bellemare raconte d’un ton grave, dans le style des « Enquêtes ­impossibles » qu’il a présentées durant presque dix ans, les anecdotes de tournage, toutes plus ­improbables les unes que les autres. Des membres de l’équipe expliquent ainsi que, pour les besoins d’une saynète, ils ont dû mettre des culottes à des cochons et des faux seins à un pigeon. Les auteurs racontent aussi de quelle manière ils ont réussi à convaincre des personnes âgées de jouer des gags pornographiques.

Christophe Salengro dans son rôle de président à vie de Groland, en 2013. / XAVIER LAHACHE / CANAL+

Ce documentaire décalé est une plongée réjouissante dans les coulisses de « Groland », sa fabrication, son casting et sa réalisation. Même les sketchs les plus potaches se révèlent extrêmement préparés.

En vingt-cinq ans d’antenne, l’émission a su conserver son identité et susciter la ­sympathie des Français, qui parfois rêveraient sans doute de ­vivre dans un pavillon de Groville, la ­ capitale de la « Présipauté ». ­« Groland » est l’une des dernières émissions irrévérencieuses de la télévision française. Un patrimoine immatériel que Top 25 GRD sait mettre en valeur.

« Top 25 GRD », de Sylvain Fusée, (France, 2018, 80 minutes).