Accompagné de ses gardes du corps, le président arménien, Armen Sarkissian, a serré la main à M. Pachinian, député et leader de l’opposition. / Karo Sahakyan / AP

Alors que l’Arménie traverse son neuvième jour de contestation antigouvernementale, le président de cette ex-république soviétique du Caucase tente de jouer l’apaisement, samedi 21 avril. Armen Sarkissian s’est rendu dans la soirée, sur la place de la République, en plein centre de la capitale Erevan, pour rencontrer le chef de l’opposition Nikol Pachinian.

Accompagné de ses gardes du corps, le président arménien a serré la main à M. Pachinian, député et leader de l’opposition, avant que les deux hommes n’entament une discussion qui a duré une dizaine de minutes. Il n’était pas possible d’entendre cette discussion, lors de laquelle Nikol Pachinian a visiblement présenté à Armen Sarkissian une liste des demandes formulées envers les autorités par les manifestants.

Dialogue tendu

Cette nouvelle manifestation de l’opposition contre l’ex-président d’Arménie, Serge Sarkissian, récemment nommé chef du gouvernement, a été organisée par M. Pachinian après qu’il a rejeté plus tôt dans la journée un appel de ce dernier au « dialogue ».

« Afin d’éviter des conséquences irréversibles, j’appelle le député Nikol Pachinian à s’asseoir à la table du dialogue politique et de la négociation », a notamment indiqué Serge Sarkissian, dans une déclaration rendue publique samedi. M. Pachinian a rapidement répondu qu’il était prêt à discuter, mais « seulement pour parler des conditions du départ » de son adversaire, selon des agences de presse.

Pour sa part, le nouveau président arménien Armen Sarkissian, sans lien de parenté avec son prédécesseur et qui a prêté serment la semaine dernière, s’est déclaré prêt à rencontrer M. Pachinian afin de « baisser les tensions dans le pays via un dialogue entre forces politiques ».

« Je suis très préoccupé par le refus du dialogue ce qui risque d’aboutir à un affrontement », a-t-il déclaré dans un communiqué, en appelant « tout le monde à s’arrêter et à réfléchir à quelles conséquences cette confrontation peut aboutir ».

Interpellations

M. Pachinian a réagi en proposant à Armen Sarkissian de venir le rencontrer sur le lieu de la manifestation, sur la place de la République, où se sont réunies samedi soir des milliers de personnes scandant « Serge, va-t’en ! », « Nous sommes les maîtres dans notre pays ! ».

Dans la journée, des manifestants brandissant des drapeaux arméniens bloquaient des rues à Erevan, en perturbant fortement le trafic dans la ville. La police a annoncé avoir procédé à 84 interpellations samedi à la suite de ces protestations.

Quelque 30 000 personnes, selon des journalistes sur place, avaient manifesté vendredi à Erevan où la police a procédé à plus de 230 interpellations.

Le député Nikol Pachinian, 42 ans, qui mène la contestation, est un ancien journaliste et un opposant de longue date qui a brièvement été en prison après avoir déjà pris part à des mouvements de protestation contre Serge Sarkissian en 2008 qui avaient fait dix morts.

Les protestataires accusent Serge Sarkissian, qui vient d’achever son deuxième mandat présidentiel, de s’accrocher au pouvoir en se faisant élire premier ministre par les députés. Alors que la Constitution interdit au président d’effectuer plus de deux mandats, M. Sarkissian avait fait voter en 2015 une réforme controversée donnant l’essentiel des pouvoirs au Premier ministre.

Pauvreté et corruption

Au-delà des manoeuvres de Serge Sarkissian pour rester au pouvoir après plus d’une décennie au poste de président, les manifestants reprochent à cet ancien militaire de 63 ans de n’avoir pas su faire reculer la pauvreté et la corruption, alors que les oligarques ont toujours la haute main sur l’économie du pays.

Le taux de pauvreté de l’Arménie était de 29,8 % en 2016 contre 27,6 % en 2008 selon les données de la Banque mondiale, tandis que le Revenu national brut (RNB) par habitant stagnait à 3 770 dollars, une somme quasi identique à celle d’il y a dix ans.

Jusqu’à présent, la manifestation la plus importante a eu lieu mardi dernier, avec quelque 40 000 personnes à Erevan. Il s’agissait du plus grand rassemblement de l’opposition de ces dernières années dans ce petit pays du Caucase.

Manifestation contre le premier ministre en Arménie, près de 200 personnes interpellées
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