Dans un communiqué publié samedi 21 avril, le ministère de la justice condamne « les allégations circulant sur les réseaux sociaux » après la mort le 14 avril de Jaouad, un détenu de 27 ans retrouvé pendu dans une cellule du quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Seysses, en banlieue toulousaine.

Selon la Chancellerie, aucun élément ne permet d’avancer que sa mort est due à des « violences volontaires » :

« Une enquête judiciaire est actuellement en cours. Aux termes des informations communiquées par le procureur de la République, rien ne permet d’alléguer que la mort de cette personne détenue puisse être due à des violences volontaires, a fortiori imputables à des agents du service public pénitentiaire. Ainsi, l’autopsie réalisée le 16 avril a conclu à un décès par asphyxie. »

Le ministère a par ailleurs annoncé qu’il se réservait le droit de donner toute suite à l’encontre des auteurs, ou relais, de ces allégations. Celles-ci ont pris la forme d’un courrier écrit par des prisonniers de la maison d’arrêt de Seysses, publié vendredi sur le site de L’Envolée, un journal trimestriel qui s’adresse aux prisonniers et à leurs familles.

« Encore un mort au mitard »

Intitulé « Encore un mort au mitard », le long texte évoque la mort du jeune détenu. Selon les auteurs, Jaouad aurait été « battu par cinq ou six surveillants, pendant plus d’une demi-heure », « parce qu’il tapait dans une porte ».

« Puis il y a eu un grand silence, et les surveillants se sont mis à discuter entre eux, à estimer son poids et sa taille pour s’accorder sur une version des faits. Puis ça a été l’heure de la gamelle et, quand sa cellule a été rouverte, ils ont fait mine de le découvrir pendu. »
« C’est une honte d’avancer de telles choses sur nos personnels. »

De son côté, Jérôme Combelles, surveillant à la prison de Seysses et délégué syndical UISP-FO réfutait ces accusations dès vendredi, auprès du Monde :

« J’affirme catégoriquement que Jaouad n’a été ni battu ni assassiné, c’est une honte d’avancer de telles choses sur nos personnels. Perdre un gamin de cet âge, c’est aussi un drame pour nous tous. »

Selon M. Combelles, « après le parloir, Jaouad a voulu partir en promenade, ce qui lui a été refusé. Il a pris à partie des surveillants et a été envoyé au mitard. C’est là qu’il s’est pendu avec son pyjama. Toutes les mesures de sécurité habituelles avaient été prises auparavant ».

Ce décès serait, entre autres causes, à l’origine des affrontements qui se sont déroulés trois soirs durant dans le quartier du Grand Mirail à Toulouse, d’où le jeune homme était originaire. A la maison d’arrêt de Seyssees, environ 200 détenus avaient dans le même refusé de réintégrer leur cellule deux soirs durant, après la promenade. Cela avait nécessité l’intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité, le corps d’élite des prisons.

Samedi 21 avril, le calme était revenu à Seysses selon M. Combelles. Dès jeudi, après une marche blanche organisée dans le quartier des Izards par la famille de Jaouad, son grand frère avait demandé de « faire attention aux rumeurs et aux ragots », avant d’appeler à un retour au calme dans les quartiers de Toulouse.

1120 détenus pour 600 places

La maison d’arrêt de Seysses, ouverte en 2003, accueille aujourd’hui 1120 détenus pour 600 places, la plupart en détention provisoire ou attente de jugement. Les conditions de détention avaient déjà été dénoncées par le personnel pénitentiaire en janvier au cours d’un mouvement de grève.

Selon Jérôme Combelles, « il y a environ un surveillant pour gérer 100 détenus » et « la plupart du personnel fait plus de 50 heures supplémentaires par mois » ; « il faut absolument que l’administration nous envoie du personnel, c’est urgent ».

En septembre 2017, après une visite de l’établissement, la députée (LRM) Elisabeth Toutut-Picard décrivait une prison « qui reçoit 252 arrivants par mois soit 10 à 12 arrivants journaliers, chiffres qui excèdent notoirement sa capacité d’accueil. Nombreuses sont les cellules de 9 m2 qui hébergent trois détenus (deux lits superposés et un matelas au sol). »

Il avait été indiqué à la députée qu’en janvier 2017 l’établissement recensait au total 134 matelas posés sur le sol. Selon les chiffres de l’année 2015 du ministère de la Justice, pas moins de 115 personnes se sont suicidées en prison. À titre de comparaison, ils étaient 93 en 2014. Depuis la mise en place d’un plan anti-suicide il y a six ans, le nombre de décès a baissé, après le triste “record” de 1998 et ses 138 suicides.