L’affiche du parti Colorado (à droite), ainsi que celle de Ganar (à gauche) dans une rue d’Asuncion, au Paraguay. / Jorge Saenz / AP

Au pouvoir au Paraguay quasiment sans relâche depuis 1947, le parti conservateur Colorado semble s’acheminer vers une nouvelle victoire. Malgré les liens de son père avec la dictature (1954-1989), son candidat Mario Abdo Benitez est le grand favori du scrutin présidentiel de dimanche 22 avril.

Dans ce pays gangrené par la corruption et le trafic de drogue, 4,2 millions d’électeurs sont appelés à élire leur nouveau président lors d’un scrutin à un tour, ainsi que renouveler leur Parlement pour cinq ans. Les bureaux de vote ouvriront à 7 heures (13 heures à Paris) et fermeront à 16 heures (22 heures à Paris), les premières tendances étant attendues une heure plus tard.

A 46 ans, Mario Abdo Benitez, surnommé « Marito », est largement en tête dans les sondages, avec jusqu’à 20 points d’avance sur son adversaire Efrain Alegre, 55 ans, candidat de la coalition de centre gauche Ganar.

Un handicap familial surmonté

Diplômé en marketing aux Etats-Unis, « Marito », comme on le surnomme dans le pays, avait réussi l’exploit d’être désigné candidat du parti Colorado, au pouvoir quasiment sans interruption depuis 70 ans, face au poulain choisi par le président sortant Horacio Cartes.

Son objectif : poursuivre la politique économique du président qui ne pouvait pas se représenter. Celle-ci est centrée sur les exportations agricoles du pays, quatrième producteur mondial de soja mais aussi grand producteur de viande bovine et d’hydroélectricité, avec de bons résultats : l’économie du Paraguay a crû de 4 % en moyenne chaque année depuis dix ans, ce qui en fait un des champions de la région. Il veut aussi réformer la justice qu’il accuse d’être corrompue, dans ce pays classé 135e sur 180 en 2017 par Transparency International.

Sa popularité montre qu’il a réussi à surmonter son handicap familial : « Marito » est en effet le fils de Mario Abdo, secrétaire personnel d’Alfredo Stroessner, qui a dirigé le Paraguay d’une main de fer de 1954 à 1989. Entre 1 000 et 3 000 personnes sont mortes ou ont été portées disparues pendant cette dictature, selon les organisations de défense des droits de l’homme.

Le candidat a alors pris soin d’afficher ses distances par rapport à son héritage. « Je suis fier que des victimes qui ont souffert de mauvais traitements et de tortures à cette époque [de la dictature] travaillent aujourd’hui avec moi. C’était un autre temps. Si je leur suscitais du rejet, elles ne seraient pas avec moi », assure le candidat.

Le passé de son père devrait finalement peu influencer les électeurs. « Cette année, 43 % de l’électorat aura entre 18 et 34 ans, la plupart d’entre eux n’ont pas de connexion personnelle avec les années de dictature », souligne l’analyste Elizabeth Gonzalez dans une note publiée par le Conseil des Amériques, un think tank de Washington.

Le manque de charisme d’Alegre, un frein

Face au puissant parti Colorado, l’avocat Efrain Alegre espère rééditer l’exploit de Fernando Lugo, qui était devenu en 2008 le premier président à ne pas être issu de cette formation de droite traditionnelle… même s’il a ensuite fini destitué en 2012 par le Sénat qui l’accusait d’avoir « mal rempli ses fonctions ». Pour cela, Efrain Alegre, opposant dans sa jeunesse à la dictature de Stroessner, a rassemblé autour de lui la même coalition de centre gauche qui avait porté la victoire de Lugo.

Mais il n’a ni son charisme ni sa force d’attraction, soulignent les analystes. Déjà candidat en 2013 sous la seule bannière de son parti, il n’avait récolté que 39 % des voix face à Cartes. « Alegre appartient à une branche puissante du parti Liberal, mais il n’est pas un leader indiscutable », explique à l’Agence France-Presse (AFP) Magdalena Lopez, coordinatrice du Groupe d’études sociales sur le Paraguay de l’Université de Buenos Aires.

Elle rappelle que « les libéraux ont fait partie du mouvement qui a destitué Lugo de la présidence, mais on voit que cette fois-ci ils se sont dit que s’ils n’allaient pas [à l’élection] avec une coalition, ils seraient largement distancés par Aldo Benitez ».

Préoccupé par un taux de pauvreté qui stagne à 26,4 % (selon les chiffres officiels de 2017), Efrain Alegre a proposé, au cours de sa campagne, de rendre la santé gratuite pour les plus démunis et de réduire fortement la facture d’électricité. Car, dans ce pays avec une grande communauté d’Indiens guarani, dont la langue est reconnue comme officielle au côté de l’espagnol, les inégalités restent criantes : selon Magdalena Lopez, 10 % des propriétaires terriens possèdent 92 % des surfaces agricoles.