Ramdam à Vendôme : Flesh Gordon et ses lutteurs sont de retour en ville. Tous les deux ans depuis le milieu des années 1990, la figure tutélaire du catch français fait le show, avec sa troupe, dans un gymnase de la ville du Loir-et-Cher. Le gala était jusque-là commandé par l’Amicale des sapeurs-pompiers. Il l’est, depuis cette année, par une association, Vendôme Sport Organisation, dont l’unique vocation est d’organiser cet événement. Plus de 90 commerçants et artisans ont déboursé de 50 à 300 euros au titre du sponsoring. Huit cents spectateurs, de tous âges, garnissent la salle.

Bacchantes tombantes à la Tarass Boulba, Flesh Gordon, 64 ans, porte un costume noir qui le fait ressembler à un représentant de commerce ukrainien. Victime d’une vilaine blessure, l’ancien videur des Sables-d’Olonne a définitivement rangé sa combinaison en Lycra floquée d’un éclair. Le patron de la Catch Wrestling Stars – « la première fédération européenne de catch », dixit son site Internet – joue désormais au Monsieur Loyal, micro en main.

L’« Apollon portugais » Tyson Dos Santos harangue la foule. / FREDERIC POTET / LE MONDE

Voltige et pedigrees exotiques

Sur le ring, la crème du catch amateur s’ébroue bientôt, au fil d’un spectacle relevant plus de la voltige que de la compétition. Slips moulants et bottes à lacets remontant jusqu’aux genoux, les cascadeurs déclinent des pedigrees exotiques qui évoquent leurs origines. Viendront se caresser les côtelettes, ce soir-là, Caïman Colorado Junior, « arrivé directement de Jamaïque » ; Master Kong, qui « s’entraîne dans la jungle de son pays [la République démocratique du Congo] » ; le « marquis du Pakistan », Baadshah ­Pehalwan Khan ; l’« Apollon portugais », Tyson Dos Santos ; le « tourbillon équatorien », le général Hugo Perez… « Dans le sport comme dans tout, il n’y a rien de tel que le mélange des cultures », assure Flesh Gordon – Gérard Hervé de son vrai nom.

« Je pensais que j’allais catcher à Paris ou Marseille devant des femmes sexy, et je me retrouve à Vendôme devant des campagnardes », ricane le « Prince d’Orient ».

Deux femmes viendront s’immiscer dans cet épanchement de testostérone : la furieuse Pauline et la peu commode Angel’s Bombita. Une « légende » du catch hexagonal complète, enfin, le casting : l’arbitre « M. Jacky », alias Jacky Richard, 73 ans, qui combattit aux côtés de l’Ange blanc et du Bourreau de Béthune, à la grande époque des galas organisés à l’Elysée-Montmartre.

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Creuset d’un manichéisme assumé, le catch vaut surtout pour la bêtise crasse de ses « méchants ». Le premier des sept combats programmés donne le ton. Débarqué du département voisin d’Indre-et-Loire, Tony d’Anjou harangue la foule : « Eh, le Loir-et-Cher, vous n’êtes que des paysans ! Vous ne savez pas conduire ! » Tonnerre de sifflets dans les gradins. Ce fourbe d’Anjou rapidement knock-out, arrive le deuxième duel. « Je pensais que j’allais catcher à Paris ou Marseille devant des femmes sexy, et je me retrouve à Vendôme devant des campagnardes », ricane à son tour le « Prince d’Orient » Eddy ­Karaoui. Re-barouf de lazzis.

Yacine Osmani, alias l’« Etoile de Kabylie », domine son adversaire. / FREDERIC POTET / LE MONDE

Une autre règle immuable au catch résume à ceci le scénario de tout combat : le gentil commence à dominer son vis-à-vis, avant de subir les perfidies de celui, puis de le terrasser au prix d’efforts herculéens. Le reste n’est que ramponneaux (portés mais peu appuyés), esquives, sauts de cabri, clés de bras, étranglements, écrasements de nez avec la semelle… Cette pantomime plus technique qu’il n’y paraît peut tourner à l’hystérie collective quand, comme au bien nommé gymnase Ampère, treize lutteurs se retrouvent sur le ring pour une électrique « bataille royale ».

Tous les coups, ou presque, sont alors permis, l’arbitre ne pouvant tout voir. Seul lutteur à ne pas avoir été projeté par les autres au-dessus des cordes, Yacine Osmani, alias l’« Etoile de ­Kabylie », 105 kg, gueule d’ange et caleçon mauve, est déclaré vainqueur de la bataille de Vendôme, façon struggle for life.

Master Kong, qui « s’entraîne dans la jungle de son pays, la République démocratique du Congo ». / FREDERIC POTET / LE MONDE

Au centre du ring, le « marquis du Pakistan », Baadshah ­Pehalwan Khan. / FREDERIC POTET / LE MONDE

Treize des lutteurs se retrouvent sur le ring pour une « bataille royale ». L’arbitre ne pouvant tout voir, tous les coups, ou presque, sont permis. / FREDERIC POTET / LE MONDE