Le communiqué annonçant la naissance du troisième enfant du prince William et de son épouse, Kate, est posé devant le palais de Buckingham, à Londres, le 22 avril. / STEFAN ROUSSEAU/AFP

Lundi 23 avril à 11 h 01, heure britannique, un petit garçon de 3,8 kg est né à l’hôpital St Mary de Londres. On pourrait se moquer et estimer que la naissance du troisième enfant du prince William et de sa femme Kate (duc et duchesse de Cambridge, pour reprendre leurs titres officiels) n’a guère d’importance. Qu’après tout, leur deuxième fils n’est que le cinquième héritier de la couronne d’Angleterre, après son grand-père, le prince Charles, son père, le prince William, son frère, le prince George et sa sœur, la princesse Charlotte. Ses chances de jouer autre chose que les seconds couteaux sont minimes.

Ce serait pourtant ignorer le déferlement médiatique et populaire qui entoure l’événement. Entre le prochain mariage du prince Harry, le 19 mai, et cette troisième naissance chez son frère, la nouvelle génération de la famille royale connaît une immense popularité.

Celle-ci ne doit rien au hasard. Dans cette naissance sous les yeux des médias du monde entier, tout est contrôlé au millimètre. L’annonce est faite très officiellement par un faire-part posé sur un chevalet derrière les grilles de Buckingham Palace. Le communiqué est particulièrement concis : « Son Altesse Royale la duchesse de Cambridge a accouché d’un fils à 11 h 01 aujourd’hui. Son Altesse Royale et son enfant vont bien. » Temps modernes obligent, le même communiqué a été diffusé sur Twitter, en y ajoutant le poids du bébé et le fait que le duc de Cambridge était présent.

Ensuite, il n’y aura plus rien, jusqu’à la sortie officielle de l’hôpital du couple avec son bébé. Objectif : nourrir au compte-gouttes les centaines de journalistes entassés devant la clinique, en leur donnant le strict minimum.

Pour faire durer le suspense, aucune information n’est donnée sur l’heure de sortie. De quoi permettre les fascinantes spéculations : la duchesse portera-t-elle une robe jaune à fleurs, comme pour la princesse Charlotte, ou bleue à points blancs, comme pour le prince George ? A 16 h 16, une dépêche de l’agence de presse Reuters tombe : « Le prince William, qui quitte l’hôpital, dit : “Je reviens dans une minute.” » Il va chercher ses deux autres enfants à l’école. Visiblement, ce lundi, les nannies étaient prises.

Mise en scène perpétuelle

Puis, pendant deux à trois minutes, le couple royal sortira de la clinique – forcément fringant et l’air reposé. Il présentera le bébé, échangera de loin quelques banalités avec les caméras et partira en voiture. Ce sera tout. Le nom ne sera pas connu avant le lendemain au mieux, voire quelques jours plus tard. D’ici là, les bookmakers peuvent prendre les paris : Arthur (7/4), James (3/1), Albert (8/1)…

La vie privée du nouveau bébé sera surveillée de très près. Les seules photos qui sortiront seront celles prises et diffusées par le palais. Les paparazzis, très agressifs au Royaume-Uni, se sont beaucoup calmés depuis la mort, en 1997, de Lady Diana, la mère des princes William et Harry. Ces deux-là imposent une discipline extrême dans la protection de leur image et de leur famille, ce qui est compréhensible.

Ridicule, cette mise en scène perpétuelle d’une famille royale au pouvoir essentiellement symbolique ? Au contraire, répond William Hanson, qui enseigne les bonnes manières made in Britain – si vous rencontrez un membre de la famille royale, ne leur tendez surtout pas la main avant qu’ils ne vous la tendent, dit-il le plus sérieusement du monde.

Pour lui, le protocole est justement la raison d’être des Windsor. « Il existe d’autres familles royales à travers le monde et c’est très bien, mais le faste et le spectaculaire est ce qui fait la différence. Certains peuvent être jaloux, d’autres fascinés. Mais j’espère que pour le mariage à venir, ils ne vont pas trop simplifier le protocole, parce que cela joue un vrai rôle. » Autrement dit, c’est parce que c’est complexe et plein de codes obscurs que le grand public s’y intéresse.

« La Grande-Bretagne, une société de classes sociales »

M. Hanson, qui n’est pas issu de la famille royale, en a fait un métier. Ses clients sont principalement des étrangers qui rêvent d’apprendre les « vraies » bonnes manières de la haute société anglaise. « La Grande-Bretagne reste une société de classes sociales, c’est indéniable », ajoute-il, surjouant son ton huppé.

Rien ne lui plaît davantage que de se perdre dans les anecdotes de la famille royale. Pour des raisons protocolaires, Meghan Markle, future femme du prince Harry et divorcée d’un premier mariage, n’aura pas le droit au titre de princesse. Autre exemple : pour le mariage de William et Kate, le footballeur David Beckham avait accroché sa médaille du mauvais côté, précise-t-il avec un sourire moqueur. Et si vous faites la révérence à la reine, il ne faut pas plier les jambes trop bas (« sinon, on risque de se retrouver bloqué, voire par terre »).

Bref, le message subliminal est clair : « ces gens-là », issus de la noblesse, vivent avec des règles différentes du commun du mortel, compréhensibles seulement d’une poignée d’initiés. Ils ne font pas les bébés de la même façon que les autres. Et il faut conserver cette aura de mystère.